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Relais Montagnard – Sourires en pagaille

Dernière mise à jour : 17 sept. 2021

Ce weekend, j’atterris au Relais Montagnard, une auberge de montagne gérée par un collectif surmotivé et très inspirant. Bénévole au festival Bonac-Plage, je m’attends à faire de belles rencontres… et je ne serai pas déçu. Au programme : Les Bronzés, Claudy Focan, gnôle maison, rhum-gingembre, gueule de bois et ventre-glisse.


Le Relais Montagnard est une auberge gérée par le collectif de l’Autruche Volante, une Société Civile d’Intérêt Collectif (SCIC). Localisé en Ariège, dans le petit village de Bonac-Irazein, il constitue notamment une étape pour les randonneurs qui y trouvent le gite, le couvert ainsi qu’une épicerie d’appoint et un dépôt de pain. Le Relais diffuse également de nombreux concerts et spectacles de qualité avec, en point culminant, le festival Bonac-Plage début août. Mais ce qui fait la particularité de cette auberge, c’est qu’elle y concentre également des activités scientifiques interdisciplinaires mêlant sciences sociales et environnementales. Un lieu à part où j’ai pris un grand plaisir à séjourner ! Venez découvrir le témoignage de Sylvain !


Panne de réveil


Cette nuit, je dors très mal. Je pense qu’il doit rester deux moustiques dans la cabine et ils – ou plutôt elles – ont faim. Très faim. Je n’entends même pas le réveil sonner et quand je me réveille enfin, il est 10h20. Je préviens Aude de ma panne de réveil et commence à organiser le petit-déj. Dehors, le paysage a changé ; les sommets sont enveloppés d’une chappe de nuages qui semble immobile. Malgré la météo qui s’annonce moyenne, je me sens bien ce matin. Après avoir renoué avec pas mal d’amis ces derniers jours, j’ai hâte de faire de nouvelles rencontres et d’embrasser l’inconnu. Et puis, trois jours de festival m’attendent. Dans cette période où aller à un concert relève parfois de l’exploit, je me considère un peu chanceux. Après le Moulinage de Chirols, je serai à nouveau bénévole ; et avec un peu de chance, je serai au bar…



Il en faut peu pour être heureux


J’arrive dans le Couserans vers 13h, une petite province historique des Pyrénées située dans la partie occidentale du département de l'Ariège. Le parking où j’installe le van surplombe le Lez, une petite rivière qui traverse Bonac-Irazein. Sur la terrasse du Relais Montagnard, ça s’active de toute part et dans toutes les langues. Je suis aux anges. Par chance, je tombe directement sur Max, le responsable des bénévoles, qui me propose de me faire un petit topo rapide avant de passer à table. Dans l’enveloppe qu’il me tend, un badge et six tickets boissons ; trois par jours de bénévolat. – « Rendez-vous à 14h pour ton premier service en cuisine ». Max est très accueillant et ses indications sont claires, nettes et précises. Tout ce que j’aime. Au moment de me lever pour aller faire la queue au buffet, mon regard croise celui de deux jolies filles attablées en contrebas. Il suffit de deux sourires pour que je me sente pousser des ailes. Un groupe arrive ; parmi eux, Aude me fait signe. Elle sera mon point de repère pour les trois prochains jours.


Les écorchés vifs


« J’ai trouvé mon métier ! Je suis chercheuse-exploratrice » (Aude)

Aude est une amie rencontrée à Dijon il y a quelques années, au moment où j’ai intégré le club de ukulélé de la ville. Quelques semaines avant de partir – c’était au moment de la réouverture des terrasses –, nous avons commencé à nous voir plus régulièrement. Comme moi, Aude est en plein questionnement sur son avenir. Comme moi, la vie l’a un peu écorchée ces derniers mois. Il y a des choses comme ça qui rapprochent. Lorsque j’avais évoqué mon projet avec elle dès l’été dernier, je l’avais sentie sincèrement intéressée et cela s’est confirmé dans nos récents échanges. Son analyse et sa prise de recul m’ont d’ailleurs beaucoup aidé dans mes réflexions. Elle fait aujourd’hui partie, avec d’autres, de mon petit comité de suivi ou de soutien. Comme elle sera sur la route elle aussi, je lui ai proposé de me rejoindre sur une partie de mon itinéraire. Notre rendez-vous est fixé le 6 août, le jour de son anniversaire, à Bonac-Plage.



Crêpes party


« Vous avez de la pâte, vous avez du sucre ? Avec la pâte, vous faites une crêpe et vous mettez de sucre dessus ! » (Gilbert Seldman)

Après le repas, Aude et moi arrivons sur le site du festival, situé à moins de 500 m du Relais. Devant l’énorme chapiteau aux bandes bleues et blanches, une trentaine de tables et de bancs sont installés. Un peu plus loin en contrebas, aux abords du Lez, l’équipe a disposé quelques piscines gonflables et des parasols. Je repère assez vite le ventre-glisse dans la pente. Il y a de fortes chances que je me laisse tenter ces trois prochains jours… A 14h, nous entrons dans la cuisine mobile, à droite du chapiteau où les balances sont en cours. Nous serons cette après-midi sous la coordination de Delphine, la big-boss des crêpes. Notre première mission est simple ; refaire une pâte. Un peu comme à la maison mais en multipliant tout par 20 : 5 kilos de farine, 40 œufs, 10 litres de lait, 2 verres d’huile et 2 verres de bière. Delphine commence à former Aude à l’utilisation des galétières en fonte. Comme elles sont neuves, il a d’abord fallu les culotter ; c’est-à-dire faire cuire de petites couches d’huile à haute température. Si Aude se débrouille plutôt bien, je me suis vu beaucoup trop beau. Au moment de la retourner avec la spatule en inox, ma première crêpe s’envole, s’échappe et s’écrase à côté de l’appareil. – « Il faut la faire danser, pas la faire voler ! ». Dansons alors !


La Belgitude


« J’ai la tête dans le cul bordé de nouilles » (Céline)

De retour au Relais après notre service, nous croisons une joyeuse troupe de Belges. Nous décidons de nous installer à leur table pour manger. J’adore les Belges. Lorsque j’ai quitté le Nord pour m’installer à Dijon en 2008, je savais que deux choses allaient tout particulièrement me manquer : la mer et la Belgique. Les habitants du plat pays ont ce petit quelque chose qui les rend à la fois malicieux et sympathiques. Pendant toute la durée de mon séjour, ils me surnommeront d’ailleurs Nicôlô, dans un accent ch’ti poussé à son paroxysme… Dans ma tentative d’intégrer le groupe, j’ai en effet lâché que je venais de Valenciennes, genre on est cousins quoi. Peut-être que j’aurais dû m’abstenir. Et en même temps, ils sont drôles, tellement drôles. Apparemment, une partie du groupe s’est perdue sur la route du Relais. Au lieu d’arriver à Bonac en Ariège, ils ont atterri à Bonac… dans le Cantal ! Forcément, ça fait marrer tout le monde. – « Ahah, ils sont couillons ces Belges lol ». Ce n’est pas comme si des Français avaient raté un match de l’Euro en confondant Budapest et Bucarest… A table, ça jongle avec les mots. Nous nous mettons à imaginer des expressions bariolées en mélangeant des proverbes : - « Il n’y est pas allé avec le dos de la main morte », « Faut pas vendre la peau de l’ours avant de voler un bœuf » ou encore « J’ai la tête dans le cul bordé de nouilles ». Fou rire général, sourires en pagaille. Il faut dire qu’un cubi de vin est mis à libre disposition des bénévoles ; ça aide.


Bee’Z Festival


Un peu avant 21h, Aude et moi décidons de rejoindre le festival. Le premier spectacle est dans quelques minutes et je ne veux rien rater. L’effervescence qui règne aux alentours du chapiteau me donne des frissons et me rappelle l’ambiance du Bee’Z Festival que nous avions monté de toutes pièces avec mon ami JC dans la Vallée de l’Ouche, vers Dijon. Trois belles éditions en 2013, 2014 et 2017 avec, à chaque fois, une montée en puissance. Pourtant, trois mois avant l’ouverture du premier, nous ne connaissions rien à l’organisation d’un tel événement. Mais l’envie était plus forte que tout. Nous voulions un festival à notre image, qui rapproche la ville et la campagne et qui mette des étoiles dans les yeux des gens. Très vite, nous avons été rejoints par une dizaine d’autres fous et chacun a apporté sa pierre à l’édifice. Une très belle aventure humaine et, avec un peu de recul, le probable déclencheur de la reconversion qui m’anime aujourd’hui.


Le saut de la mort qui tue


« Les enfants, ça serait sympa de la fermer maintenant » (Rosemonde)

Sur scène, Rosemonde provoque le public de sa voix stridente. Serrée dans sa jupe trop courte et perchée sur des talons roses flashy, elle enchaine chutes et roulades. Ses longs cheveux sont pris en tenaille dans un long ruban qui se dresse sur sa tête. Elle est magnifique. Bien qu’elle ne cesse de répéter que le spectacle n’a pas encore commencé, le public installé en demi-cercle se bidonne depuis une vingtaine de minutes. C’est que Rosemonde s’est lancé un défi : un saut de la mort qui tue. Sur la scène, elle sort de son caddie un grand escabeau, quelques matelas, des oreillers et une dizaine de cagettes. Nous commençons à nous rendre compte de son niveau de folie bien que, dans le public – moi y compris –, personne ne pense qu’elle sautera. D’ailleurs, elle ne fait que repousser et repousser l’échéance. Enveloppée de multiples couches de vêtement aussi dépareillées les unes que les autres, elle ressemble désormais à un bibendum. Du scotch transparent maintient le tout autour de sa taille. Rosemonde monte et descend de l’escabeau et, ce faisant, maintient un suspense haletant. – « Il faut aller au bout de ses rêves ! ». Même si c’est sauter de trois mètres de haut sur un tas de cagettes. Les sourires non masqués du public hilare portent une dernière fois Rosemonde en haut de son escabeau. La fin de l’histoire restera secrète.



Chaud comme une baraque à frites


« C’est excessivement énervant d’entendre quelqu’un qui mange des chips pour celui qui n’en mange pas » (Claudy Focan)

Le festival est lancé. Je pars à l’assaut du bar et d’autres sourires. J’ai envie de serrer tout le monde dans mes bras. Pendant le concert de Mandé Brass Band, un jet de bière m’arrose la chemise. Ça m’avait tellement manqué ! Aux vibrations des chants et aux sons des percussions, les festivaliers virevoltent dans tous les sens. Il fait chaud dans la fosse, les corps sont en sueur et les visages trahissent un plaisir trop longtemps confiné. Moi-même, alors que la danse s’est emparée de ma chair, je ne peux m’empêcher de sourire jusqu’aux oreilles. Attablée devant le chapiteau, un cubi de vin posé sur le rebord de la table en bois, la troupe des Belges est à deux verres d’atteindre la consécration de son art : le fou rire en série. My a sorti son harmonica et me le tend : - « Vas-y Nicôlô, montre-nous ce que tu sais faire. ». Ça tombe bien, je suis chaud comme une baraque à frites et enchaine les modulations à la Neil Young. En d’autres mots, je me la raconte grave. Un des aventuriers du Cantal lance de sa voix forte : - « Ça me fait penser à Sauver Willy ! ». Ce surnom lui collera à la peau pendant tout le reste du festival.


« Vous avez beau dire, y’a pas seulement que d’la pomme, y a aut’chose...Ca serait pas des fois de la betterave ? » (Paul Volfoni)

Le reste de la soirée se poursuit dans le petit chapiteau en contrebas. DJ Balec balance des sons aux accents de Cumbia et ça joue collé-serré. Je ne me fais pas prier pour me mêler à la danse. Avec Aude, nous partons à la chasse aux afters sur le parking du festival. Le bar est fermé et nous n’avons pas pensé à faire de stock. Mais le parking est silencieux et seuls quelques camions passent un peu de musique. On goûte une gnôle maison à la pomme. Peut-être que nous n’aurions pas dû... Je regarde ma montre ; il est 4h30. Titubant, je rejoins le van dans la pénombre et m’endors aussitôt. Je n’aurais pas embrassé d’inconnue ce soir ; enfin, pas que je me rappelle.



Dans le dur


« Désolé pour hier soir d'avoir fini à l'envers / Promis demain j'arrête de boire, hier c'était la dernière » (Tryo)

La veille, après les premiers verres, je me souviens avoir dit à Aude : - « Trois jours de festival, ça va être énorme ! ». Mais ce midi, je suis loin d’être aussi enthousiaste. J’ai l’impression que tous les percussionnistes de la veille organisent une résidence dans mon crâne. Si au moins ils étaient en rythme… Je me décide à aller prendre une douche mais le chemin qui mène au site du festival me semble être deux fois plus long que la veille. Je tente de négocier une trêve avec les Tambours du Bronx mais rien n’y fait. Même la douche ne m’apporte aucun réconfort. Aude finit par me rejoindre ; elle semble mieux tenir le choc que moi. Lorsqu’elle me rappelle que nous sommes de service ce soir, je blanchis instantanément. Je peux à peine marcher. Finalement, les tâches qui me seront confiées m’empêcheront de trop penser à mon état et le service se passe plutôt bien. Mieux, je me découvre une passion pour le mégaphone, ce qui fait bien rire mes collègues du soir : - « Sophie, si tu ne viens pas chercher ton poisson, je le bouffe ! ». Surtout que le plat me donne l’eau à la bouche. Floriane et Camille, qui supervisent l’activité, assurent comme des chefs !


Insubmersible


Fin du service, il est 23h30. Je suis au bout de ma vie. Je n’ai plus de cerveau, plus de jambes, plus rien. Aude, elle, est surmotivée : - « Allez Nico, on est chauds ! ». Sur ses conseils, je me décide à prendre un rhum-gingembre. Quitte à essayer de revenir, autant s’en donner les moyens. Et ça marche ; enfin un temps. Je suis absolument incapable de retrouver l’énergie qui m’animait la veille. Et quand je vois la foule survoltée sous le chapiteau devant Edredon Sensible – un groupe d’acoustic noise –, je me dis qu’on ne doit pas faire partie du même monde. En vérité, je n’ai pas du joué stratégique ; j’ai tout donné la veille. Quel con. Le groupe électrise les festivaliers ; le chanteur gueule comme si ça vie en dépendait : - « ON VA FAIRE LA SEPTIEME CHANSON ! ». Ça tombe bien, c’est ma pref. Les Belges retrouvés, nous enchainons les rhums ; je suis insubmersible. Avec difficulté, je tente de suivre une conversation animée sur la cuisson des frites ; true story. Florian, alias Sauvez Willy, en parle avec une telle ferveur que c’en est presque touchant. Je me retrouve soudain seul. Aude a disparu. Adrienne, avec qui j’échangeais depuis une petite heure, aussi. Potentiellement, je pourrais m’esquiver sans que quiconque s’en aperçoive. Mais je reste là. Je n’ai par contre plus la force d’aller vers les gens. J’ai épuisé tout mon capital de sociabilité. Alors, je me place en observateur et me plais à observer les couples d’un soir se former, leur sourire sur leur visage trahir une envie réciproque. Machinalement, je regarde mon téléphone. Il est 5h. 5h ?!?



Rhum-gingembre et Super Panela


Le lendemain, je vais beaucoup mieux. Aude me rejoint pour le petit-déj. Elle a fini à 9h30 ce matin et a encore mal à la mâchoire tellement elle a ri. De manière générale, Aude sourit tout le temps. Bon, ce midi c’est un peu la soupe à la grimace. Ses Princes ont pris l’humidité et ça la rend chafouine. Alors qu’elle part voir le spectacle de 15h, je choisis pour ma part de rester vers le van et d’avancer dans la rédaction de mes articles. L’après-midi passe vite ; il est 20h quand je retrouve l’ambiance du chapiteau. Rapidement, le rhum-gingembre et Super Panela – un groupe de Cumbia –, m’envoient dans la fosse où je reste danser pendant presque tout le concert. L’énergie qu’ils nous font passer est si forte que je retrouve presque mon état du premier soir. En passant devant la cuisine, Delphine nous demande si nous pouvons aller chercher le seau de pâte à crêpe mis au frais dans la rivière. Transporter l’énorme seau dans un sens et dans l’autre aura été notre fil rouge depuis le début du festival. Un peu avant minuit, je rejoins les adeptes du feu. Je sais que je n’en reviendrai pas. Mais ce n’est pas grave, j’ai pris ma guitare. Et j’ai des bières fraiches dans mon sac. A la fin des concerts, je parviens à jouer un ou deux morceaux. On me presse de poursuivre mais je ne pourrai malheureusement pas les contenter ; DJ Balec is back et il est chaud.



Concours de ventre-glisse


« Tu ne veux pas ramener ta grosse courgette ? » (Ruppert)

Au petit-déj le lendemain, Aude m’annonce qu’elle partira dans la journée. Où, elle ne sait pas encore mais elle part. Elle a besoin de recharger ses batteries. Pour la première fois depuis que je suis arrivé, le soleil brille et chauffe. Une occasion rêvée de se laver dans le Lez que je vois couler depuis le van. L’eau est glaciale ; mes chevilles sont piquées par le froid et s’engourdissent en quelques minutes. M’immerger dans l’eau est autant un plaisir qu’un supplice. D’autant plus que je dois m’y reprendre à deux fois pour me rincer entièrement. Je rêve de m’étendre sur une serviette et de n’en plus bouger de toute la journée. Mais Sylvain m’a proposé de le rejoindre à 14h et l’interviewer est un vrai plaisir. Depuis mon départ, jamais je n’aurais accumulé autant d’informations. Alors que l’après-midi touche à sa fin, je rejoins une dernière fois le site du festival. Nous ne sommes plus qu’une cinquantaine, tous ou presque des bénévoles. Je me teste enfin au ventre-glisse ; sur le ventre d’abord puis debout avec un plateau de serveur. La deuxième chute est rude. Je retente ma figure, cette fois sur les genoux. Et miracle, le verre d’eau posé sur le plateau ne se renverse pas ! Je me retourne ; personne ne regardait. Et personne ne me croit. Je suis dégoûté mais la déception passe vite ; le repas est servi et la tablée est belle de sourires mélangés. Et j’ai faim, très faim !



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