top of page
Rechercher
Photo du rédacteurnicolasdebaive

La Grange & Co - A bord du tiers-lieu express

Dernière mise à jour : 9 août 2021

Les affaires reprennent ! Sevré de tiers-lieux ces dix derniers jours, les visites – expresses – s’enchainent enfin. Dans cet épisode : Elvis, Brice de Nice, veille canaille et plus grand mec du monde.


La Grange est un espace de création qui grouille de projets de toute sorte. Situé aux Causses de la Celle dans l'Hérault, le lieu est coordonné au travers de l'Association le Bouillon Cube, créée en 2005. Le terrain est immense et les bâtiments s'agrandissent au fur et à mesure que les activités se développent : espaces scéniques, co-working, espaces de résidence, activités périscolaires, etc. Pendant l'été, la programmation de la Grange est riche de découvertes, locales et moins locales, et il y a souvent la queue au bar. Venez découvrir le témoignage de Yoan, co-fondateur de La Grange.



Voix d’outre-tombe


10h. Je suffoque dans cette cabine aux ambiances tropicales. Tout est moite et l’air semble manquer. Me rendre compte que je suis toujours à moitié sourd me met de mauvaise humeur. Et j’ai mal à la gorge. A quel moment ai-je bien pu prendre froid ces dernières heures ? Qui plus est, je dois assumer une petite gueule de bois. Avec Pascal, nous avons refait le monde, en paroles et en chansons, jusqu’à deux heures du matin au moins. Le nombre de parallèles que nous sommes parvenus à mettre en évidence entre nos vies est assez incroyable. Qu’elles soient d’ordre professionnel, personnel ou musical, nos trajectoires se font systématiquement écho. La veille, le relais nautique accueillait une artiste franco-lituanienne, Vita Levina. Une belle voix, souple et douce et trois excellents musiciens à la guitare, contrebasse et batterie. Un peu lisse toutefois, comme s’il ne fallait pas bousculer ou heurter les vacanciers venus en masse s’attabler sur la terrasse ou sur la plage. – « C’est consensuel » dira Pascal. Je regrette pour ma part un manque de grain, de rugosité.


« Et la voix d’Elvis chantait "Good Rockin´ tonight" » (Eddy Mitchell)

En parlant de rugosité, j’ai une voix d’outre-tombe ce matin. Un grave râpeux et doux, digne des plus grand crooners (enfin c’est ce que j’aime à croire). Quand je retrouve ce timbre (souvent après une soirée arrosée), il m’arrive de prendre la guitare et de reprendre de ma voix rauque des morceaux que je joue habituellement plus haut. Je redécouvre des chansons sous d’autres couleurs, d’autres tonalités. De toute façon, avec les années, je n’arrive plus aussi facilement à monter dans les aigus. Moi à qui les Bee Gees ou Neil Young ne faisaient pas peur, je m’attriste de ne plus pouvoir atteindre certaines notes et me vois parfois obligé de descendre d’une octave. Je me sens un peu comme un ornithologue qui, avec l’âge, ne parviendrait plus à déceler le chant aigu de certains oiseaux. Frustrant. D’autant plus que ma voix est mon instrument de prédilection. Je ne suis ni guitariste, ni harmoniciste ; je joue de la guitare et souffle dans un harmonica. Par contre, j’ai la prétention de penser que je ne chante pas trop mal. C’est aussi ce qu’on me renvoie parfois ; ma voix semble, pour certaines personnes, avoir un effet attractif. A défaut d’être gaulé comme un athlète, j’ai au moins ça pour moi.



La Grange, enfin !


J’émerge difficilement et replie le lit. Des mouvements qui, avec les semaines, deviennent de plus en plus familiers, voire automatiques. Le parking commence à se remplir ; des familles principalement, venues pour la journée. Pascal est parti tôt ce matin ; il m’avait prévenu qu’il ne serait sûrement pas là à mon réveil. Je lance un café. Je suis attendu en début d’après-midi à La Grange, un tiers-lieu que j’avais identifié depuis un moment. Dans le cadre de l’appel à idées initié quelques mois plus tôt, le lieu m’avait en effet été recommandé par au moins trois ou quatre personnes. Pourtant, à mes messages puis à mes appels, je n’ai pas reçu l’accueil escompté : - « La prochaine date [pour les porteurs de projet] est fixée au 12.08, de 10 à 12. Pas dispo les 22 et 24 juillet ». Sur le moment, ce mail m’avait un peu déstabilisé ; à la fois parce que, jusque-là, j’avais reçu des réponses plutôt enthousiastes mais aussi parce que ces mots un peu froids me semblaient contraires au principe d’ouverture des tiers-lieux. Avec un peu de recul, j’ai analysé la situation d’un autre œil : la période estivale est la plus grande période d’activités et d’affluence et les équipes courent dans tous les sens. Sans rancune. D’autant plus que, quelques jours plus tôt, en m’y rendant avec la Pascal Family pour un concert, j’ai réussi à obtenir un rendez-vous auprès de l’un des fondateurs du lieu. Comme quoi, il ne faut parfois rien lâcher.


« En boule ou en cornet ? » (le vendeur de glace de Saint-Guilhem)

La route depuis le Salagou, et que j’avais déjà emprunté l’année précédente, est toujours aussi magnifique. Et comme l’année dernière, le site du Pont du Diable est envahi de voitures. Il ne reste plus aucune place en bord de route. Il faut dire qu’à cet endroit, l’Hérault est particulièrement accessible. Dans ses gorges étroites et profonde fraye une eau, presque limpide, dans laquelle certains intrépides se jettent parfois de plus de dix mètres de haut. A Saint-Guilhem-le-Désert, même constat ; les rues sont parcourues de milliers de tongs en mal de soleil et dont la moitié des propriétaires se pourlèchent d’une glace à moitié fondue. Arrivé aux Causses de la Celle, l’ambiance est différente, plus feutrée et je ne suis pas mécontent de ne plus devoir slalomer et manœuvrer avec le van. A La Grange, Yoan vient à ma rencontre. Il en a encore pour une petite demi-heure de réunion. Entre temps, Charlotte, rencontrée aux Transes, m’a rejointe pour l’interview.




« Ce qu’il faut bien que vous compreniez… » (Yoan)

Yoan a toujours quelque-chose à faire et il nous prévient que nous risquons d’être interrompus pendant l’entretien. Ce qui se vérifie à peine cinq minutes après que nous ayons démarré. Un camion à décharger. Charlotte propose notre aide et nous voilà transportant une partie du matériel sono des Transes Cévenoles où Yoan était régisseur. De retour sur la terrasse, je lui demande combien de temps il peut me consacrer, ce qui me permet d’adapter ma grille d’entretien tout en m’assurant de recueillir les informations dont j’ai le plus besoin. Prévu pour durer trois-quarts d’heure, l’échange durera finalement près de trois heures. Ma seule oreille valide a chauffé ! C’est que Yoan est affable et ce lieu, c’est l’accomplissement d’un rêve démarré il y a près de dix ans avec Claire, sa compagne, et Elise, une amie. A travers ses mots, nous déchiffrons une grande fierté – « un projet associatif géré avec l’exigence d’une entreprise » – ainsi qu’un plaisir non-dissimulé à partager ce qui est indubitablement une grande réussite. Pour ma part, les étoiles qui ont commencé à envahir mes yeux se multiplient à mesure que Yoan enchaine les anecdotes et elles croissent encore au moment de la visite du bâtiment et des extensions en cours d’aménagement. J’aurais vraiment aimé m’immerger dans ce lieu quelques jours, comme j’ai prévu de le faire ailleurs d’ici la fin de l’été. Une autre fois peut-être.



Le bouchon saute !


A l’issue de l’entretien, Charlotte me propose de me faire découvrir, à quelques kilomètres de là, un spot de baignade paradisiaque et souvent désert. A la différence du site du Pont du Diable, nous sommes les seules voitures à nous garer en bord de route et au bout de quelques minutes de descente, nous parvenons au niveau de l’Hérault. Au-dessus de nous et de chaque côté, des falaises abruptes surplombent le fleuve, particulièrement large à ce niveau. Pour y accéder, il n’y a pas mille solutions : descendre en rappel grâce à la corde fixée au sol ou simplement sauter depuis la berge. Ce que Charlotte entreprend de faire, d’un plongeon plutôt bien exécuté. Avec mon oreille bouchée, plonger est a priori déconseillé. Mais je reste sourd à ces bons conseils et saute à mon tour dans les eaux chaudes de l’Hérault. Je nage jusqu’au centre du fleuve. J’ai l’impression de me baigner dans un millefeuille : au moins trois ou quatre couches de température différente glissent entre mes épaules et mes pieds. Sur la berge, je commence à être vraiment agacé de mon handicap et tente de faire vibrer mon oreille pour dégager le bouchon. Miracle ! J’entends à nouveau en stéréo ! Le frottement des cigales de l’autre côté de l’Hérault me parvient alors en Dolby Surround. Je revis. De retour aux voitures, Charlotte me donne une boite d’œufs ; une offrande locale certainement. Alors que je la vois partir, j’envoie un message à Yoan pour lui demander si je peux rester dormir sur le parking de la Grange. Il n’aura pas le temps de me répondre. Charlotte m’appelle et me propose de la rejoindre jusque chez elle. Je dois avouer que je préfère de beaucoup ce scénario et accepte avec plaisir.



Des tinys, une yourte et des moustiques


Cet été, Charlotte n’habite pas chez elle. Après une mission d’un mois en Corse, elle habite à Viols en Laval où elle garde deux tiny houses et une yourte dans un parc où chaque pas annonce une nouvelle découverte. Les tiny houses sont celles de Corentin et de Clara, un couple qui s’est reconvertit dans la construction, sur mesure, de petites maisons sur roues. L’atelier des tinys est d’ailleurs à quelques mètres de là, juste à côté d’un beau jardin potager ; un énorme hangar que Charlotte utilise aussi parfois pour fabriquer des outils low-tech. Un peu plus loin, nous passons devant la maison des voisins ; un couple d’âge moyen qui s’est construit son petit paradis au centre duquel coule une piscine « naturelle ». Au-delà du système de filtration de l’eau par les plantes, j’avoue ne pas savoir grand-chose sur le fonctionnement de ces piscines. Je note en tout cas que le passage au pédiluve n’est pas réservé qu’aux piscines modernes. Au passage, je me demande si, à lui seul, le mot pédiluve ne rebute pas autant que l’idée de mettre les pieds dans un bain de microbes. Dans l’eau, nos verres à pied remplis de Rosé flottent à la surface. On est bien. Enfin, si ce n’était ces satanés moustiques ! Ma tête, seule partie hors de l’eau, est attaquée de toute part et je finis par craquer. Rentrés dans la tiny de Corentin, nous nous barricadons derrière les moustiquaires pour le reste de la soirée.


On Passe à l’Acte !


Le lendemain matin, nous sommes tous deux rivés devant nos écrans d’ordinateurs. Dehors, c’est toujours le royaume des moustiques. Je baisse momentanément les armes – j’ai donné assez de sang comme ça – et reste à l’intérieur. Charlotte prend quelques minutes pour travailler sur le montage de ses interviews et quant à moi, j’avance dans la rédaction de mon journal de bord. Nous sommes attendus pour déjeuner avec l’équipe de On Passe à l’Acte à midi, ce qui nous laisse assez peu de temps pour avancer dans nos travaux respectifs. Lors du premier confinement, il y a un peu plus d’un an, j’étais en plein questionnement. Je savais que j’allais quitter mon emploi au plus tard en avril 2021 mais n’avais aucune idée de ce que je voulais entreprendre par la suite. Pour essayer d’y voir un peu plus clair, j’avais alors suivi un processus d’accompagnement personnalisé dans le cadre du Conseil en Evolution Professionnelle (CEP). Si ça m’a permis d’évaluer les différents dispositifs à mobiliser dans le cadre d’une reconversion, je nageais toujours en plein brouillard. L’un des détonateurs a été le documentaire « Artistes de la Vie », produit par On Passe à l’Acte. D’un coup, le brouillard s’est dissipé. Je ne savais pas davantage ce qui allait m’animer dans les prochaines années mais j’ai soudain senti que je pouvais tout faire et que rien ni personne ne pourrait jamais entraver ma quête. Libérateur ! Lorsque, la veille, Charlotte a évoqué la possibilité de les rencontrer, je n’ai pas mis longtemps à me décider. Certes, cela me faisait faire un petit détour mais l’opportunité était trop grande pour que je passe à côté. Deux SMS plus tard, rendez-vous était pris pour le lendemain midi.



« Redonner aux gens le pouvoir de faire » (Matthias)

La maison où travaille l’équipe d’On Passe à l’Acte pourrait constituer un tiers-lieu à part-entière. Ce n’est ni un lieu de travail, ni un lieu d’habitation mais quand même un peu tout ça en même temps. En arrivant dans l’entrée, à droite, quatre postes informatiques se succèdent. Pour le reste, cela semble être une maison relativement classique et néanmoins très agréable. Je reconnais immédiatement Matthias et Pauline que j’ai découvert dans « Artistes de la Vie », ainsi que dans d’autres documentaires. Matthias arbore le sourire vrai de celui qui vit la vie qu’il aime. Pour illustrer à Charlotte la technique de montage dont ils viennent de discuter, nous nous rendons dans une chambre, transformée pour l’occasion en salle vidéo. Au moins trois énormes écrans sont disposés contre le mur et, surprise, je reconnais sur l’un d’eux mon ancienne collègue et amie Anne-Cerise ! Je me souviens alors qu’On Passe à l’Acte avait été retenu dans le cadre d’un appel d’offres pour le LIFE NaturAdapt qu’Anne-Cerise coordonne. Leur boulot : mettre en place un COOC* qui permettra de rendre les gestionnaires d’aires protégés autonomes dans la mise en place d’un plan d’adaptation au changement climatique. A nouveau, je reconnecte avec mon précédent poste et ce n’est peut-être pas si anodin. A table, je raconte au groupe l’effet qu’a eu leur documentaire sur ma dynamique de reconversion ; jamais je ne m’étais senti aussi fort, aussi puissant, aussi sûr de moi. Pour Matthias, cela confirme que On Passe à l’Acte redonne aux gens « le pouvoir de faire » et je suis bien d’accord avec son analyse.


* Corporate Online Open Course


Fanny et La Distillerie


En évoquant mon projet d’exploration et ma prochaine destination, La Distillerie à Lodève, le visage de Pauline s’éclaire : - « Ah, tu vas voir Fanny ? On la connait bien, c’est une amie ». Je ne suis plus surpris ; à chaque jour une nouvelle connexion. L’idée me vient d’essayer un jour de représenter graphiquement toutes ces connexions. Vraie vie 1 – 0 Réseaux sociaux. J’arrive à Lodève aux environs de 15h30 ; la chaleur est abrutissante, même à l’ombre. Lors de mon séjour chez Jeaves dans les Cévennes, Malick m’avait indiqué qu’un de ses amis – que je connais de vue – s’était établi dans les anciennes usines DIM de Lodève, dans le cadre d’un projet de réhabilitation en friche artistique. Je décide de passer le voir avant mon rendez-vous à La Distillerie, prévu à 17h30. Morgan ne me reconnait pas ; enfin pas immédiatement. Si j’ai la mémoire des visages, j’ai appris depuis longtemps à me faire à l’idée que ce n’est pas le cas de tout le monde. Là, il m’apprend que Malick sera là demain soir pour un concert. Dommage, j’aurais déjà taillé la route en direction de l’Aveyron. D’ailleurs, je dois déjà filer si je ne veux pas être en retard à mon rendez-vous. J’ai rencontré Fanny de La Distillerie il y a deux semaines au Moulinage de Chirols, via la petite affichette que j’avais fixée au bar (« gentil voyageur recherche tiers-lieux culturels du 11 au 23 juillet dans la région de l’Hérault »). Gentiment, elle m’avait alors proposé de venir découvrir le lieu, si toutefois ma route passait par là. C’est le cas ; Lodève est à quelques kilomètres à peine du Salagou et sur ma route vers le Tarn, où j’espère toujours obtenir un rendez-vous au Café Plum, à Lautrec.



Contrairement à ce dernier, la couleur culturelle n’est pas une dominante de La Distillerie. Peu importe, tout retour d’expérience est bon à prendre. Le tiers-lieu est situé au centre-ville de Lodève dans une ancienne distillerie – oui, je sais, c’est fou. Fanny me fait faire le tour des lieux et préfère m’annoncer qu’elle a malheureusement assez peu de temps à me consacrer. Le bâtiment est privé et de nombreuses pièces sont mises à disposition de l’association. On y trouve des artisans de toute sorte, une cantine, une boulangerie. Certaines activités sont directement coordonnées par l’association ; d’autres sont gérées directement par d’autres associations qui partagent le lieu. A travers les explications, rapides, de Fanny, je perçois que l’équilibre est encore particulièrement fragile et que les enjeux sont nombreux. Si l’association compte deux salariées depuis un an, c’est que La Distillerie a bénéficié de subventions exceptionnelles liées à l’appel à manifestation d'intérêt « Fabriques de territoire » en 2019. En dehors de ces fonds publics, les recettes sont maigres et le collectif se doit de trouver son modèle économique avant que la source ne se tarisse, dans trois ans environ.



Le spot de rêve


« So I could stay the king you see in your eyes, babe » (The Tallest Man on Earth)

Je remercie Fanny et décide de rejoindre un spot à proximité trouvé via park4night. Sur la route qui monte, un tracteur est tombé en panne. Apparemment, on lui aurait sifflé tout son carburant pendant la nuit et le vieil homme n’a pas, une seule minute, pensé à vérifier la jauge avant d’aller apporter l’eau à ses bêtes. Cinq voitures sont coincées, certaines depuis plus d’une heure. Pourtant personne ne râle, personne ne semble être pressé. Après une quinzaine de minutes à peine, la route est dégagée ; quelqu’un est allé chercher du carburant. Le moteur capote un peu ; on lui laisse le temps de se remettre de des émotions. A moins d’un kilomètre de là, je bifurque à gauche sur un chemin en gravier blanc. Ça monte sec et je ne dois pas relâcher la pression sur la pédale d’accélérateur. L’endroit où j’arrête finalement le van est splendide, un des plus beaux qu’il m’ait été donné de voir. Je me sens bien. J’ai envie de chanter et de ne pas garder ça pour moi. J’improvise une scène, bloque mon portable avec deux pierres et enregistre « The Gardener » de The Tallest Man on Earth en une prise. Tout le monde a besoin de reconnaissance ; je ne fais pas exception à la règle et souris à chaque like donné à ma publication. Ce soir, je me couche content ; demain, je retourne à La Distillerie pour avancer dans la rédaction de mes articles.



La boulangère et son apprenti


« Il y a différents pots mais au final c’est la même confiture tout ça » (Matthieu)

A La Distillerie ce matin, il y a plus de monde qu’hier. Quatre personnes attablées à l’extérieur sont en réunion de travail. Je ressens une forme de tension : - « Merci de ne pas me couper la parole quand je parle Véronique ! ». Fais gaffe Véro, ton collègue semble s’être réveillé de mauvais poil… A la terrasse de la boulangerie, deux autres personnes, Raphaëlle et Matthieu, partagent un café. Je me présente et, sur les recommandations de Fanny la veille, m’empresse de compléter une fiche d’adhésion à l’association ; condition sine qua non pour venir travailler dans le lieu. Il est 9h30 quand je commence à m’installer devant mon ordinateur. La matinée est agréable, il ne fait pas encore trop chaud et j’avance bien. Ma gorge me fait toujours mal par contre. Le bon côté, c’est que j’ai beaucoup moins envie de fumer. Aux environs de midi, je pousse la porte de la boulangerie et propose de partager le déjeuner. Raphaëlle est boulangère bénévole pour La Distillerie. En évoquant mon projet de reconversion, de nouvelles connexions se font, irrémédiablement. Raphaëlle a travaillé il y a quelques années à la Fédération des Conservatoires d’Espaces Naturels ; le réseau frère des réserves naturelles. Elle connait d’ailleurs Pascal, chez qui j’ai séjournée le weekend précédent. Matthieu, lui, est venu pour la journée se former à la confection du pain. Il envisage de faire émerger un éco-lieu au Portugal où il réside depuis près d’un an. – « Un éco-lieu ? » interroge Raphaëlle « C’est quoi la différence avec un tiers-lieu ? ». – « Il y a différents pots mais c’est la même confiture » répond Matthieu, souriant. Alors que je prévoyais de ne rester travailler que le matin, il 17h30 quand je quitte La Distillerie. Ce soir, je quitte l’Hérault pour l’Aveyron et Saint-Affrique où j’espère randonner demain.


Les clés dans le maillot


« J’ai l’impression que la mer ne me veut pas ce matin » (Brice de Nice)

Quand je me réveille, j’ai une boule dans la gorge qui, d’ailleurs, me fait encore plus mal. Et la température a chuté ; mon tableau de bord indique 16°C. Je me suis garé à proximité d’un petit cours d’eau, en bord de route. Un gros camping-car me tient compagnie depuis la veille. Malgré le froid dans mes os et mon moral un peu dans les chaussettes, je décide d’aller me laver à la rivière. Cela fait près de trois jours que je n’ai pas pris de douche et je me dis que ça me fera du bien. La plage de galets est déserte pourtant je garde mon maillot de bain ; je ne suis pas d’humeur naturiste ce matin. Bien mal m’en a pris… Les clés du van sont restées dans mes poches au moment où je m’immergeais entièrement dans l’eau. Ce n’est vraiment pas ma journée. De retour au spot, rafraichi mais un peu anxieux, j’appuie sur le bouton de la clé qui déclenche l’ouverture du van. Ouf ! Je quitte rapidement cet endroit, dont je ne garderai pas un bon souvenir. Au marché de Saint-Affrique, les étalages s’étendent tout le long du boulevard Victor Hugo et débordent jusque la Place de la Mairie. Assis devant une dizaine de paniers en osier, un homme qui pourrait jouer la doublure d’Enrico Macias regarde ses pieds. Il lève les yeux vers moi ; on se comprend. Mon attirail de saltimbanque commence à m’arracher la peau des épaules. Mais je ne sens pas le truc et continue d’errer sans but dans les rues bondées du marché. Je ne suis pas inquiet, ça reviendra.




Le sentier des échelles


A l’Office du Tourisme, une agent m’a conseillé le sentier des échelles, vers Roquefort. Une fois gravis les 500 mètres de dénivelé jusqu’à la pointe du Combalou, le panorama est apparemment exceptionnel. Et s’il y une journée pour réaliser l’ascension, c’est bien aujourd’hui. Le soleil n’a toujours pas pointé son nez et les nuages qui s’amoncellent semblent même annoncer quelques gouttes. La marche est vraiment agréable et j’ai la sensation de marcher presque sans efforts. Soudain, je fais face à un éboulis ; certains blocs de pierre sont énormes ! Parvenu sur le plateau, la vue est effectivement exceptionnelle. Enfin, elle le serait sans tous ces nuages indécis. Dans la descente, au col des Aiguillères, un panneau indique l’emplacement de la Grotte des Fées ; et précise que les falaises qui se dressent devant moi renvoient un bel écho. Mes mains autour de ma bouche, je tente un premier cri, discret. Après une seconde, l’écho me revient. J’accentue mon cri, encore et encore ! Je suis comme un gamin qui s’émerveille pour la première fois des mystères de l’écho. Pour la première fois de la journée, j’ai le sourire. On devrait pouvoir s’émerveiller de tout tous les jours.


Le Café Plum


« Ce n’est pas parce que c’est un projet de hippies qu’on ne peut pas gérer les choses de façon pragmatique » (Pierrot)

De retour au van, j’inscris sur mon GPS la direction du Café Plum, à Lautrec et prend aussitôt la route. Malgré les mails et les appels de relance, je n’aurai jamais réussi à obtenir un rendez-vous. Mais, je ne suis pas rancunier et j’ai vraiment envie de découvrir le lieu. Ça tombe bien, le Café propose des concerts presque tous les soirs de la semaine. La soirée affiche complet ; décidément, il est temps que cette journée se termine. Au moment où j’allais baisser les bras, je me reprends. J’explique ma situation et insiste. Je ne suis pas allé jusqu’ici pour rien et ils me doivent bien ça ! Dix minutes plus tard, je suis accoudé en terrasse, une bière à la main. Ne jamais rien lâcher ! J'en profite pour visiter : une librairie, un bar, un espace scénique intérieur et extérieur, le tout dans un cadre magnifique ! Après le concert, Pierrot, que j’ai soudoyé quelques heures plus tôt, accepte de répondre à quelques-unes de mes questions. Je suis tellement fatigué que je ne suis pas certain de retenir grand-chose. C’est tellement frustrant d’être contraint de faire cet entretien entre deux services ! D’autant plus que l’échange est vraiment intéressant et que le modèle économique du Café semble être assez proche de ce que j’ai en tête pour le lieu que je pourrai faire émerger. Je rappellerai Pierrot à la fin de la saison ; là, je suis crevé et ne rêve que d’une chose : m’enfoncer dans mes oreillers et tomber dans les bras de Morphée.



Demain, je rejoins une amie d’enfance, Agathe, dans le Tarn-et-Garonne. Une semaine de pause où je n’ai planifié aucune visite. Une semaine où j’espère avoir le temps d’analyser plus globalement les informations que je suis parvenu à recueillir jusque-là. Dans ma tête, résonnent les arpèges de Nicolas Saez, le trio de flamenco que j’ai découvert au Café Plum. Cette nuit, je rêverai de Grenade, de robes rouges et de tapas. J’adore les tapas !

90 vues

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page