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La folle remontée de l'Atlantique

Dernière mise à jour : 3 sept. 2021

Les Pyrénées, clap de fin. Cette semaine, c’est l’Atlantique qui m’attend. Le programme, bouleversé, est conséquent et, surtout, je vais enfiler les kilomètres. La tournée des tiers-lieux s’enrichit de deux nouvelles expériences : celles de La Smalah dans les Landes et de La FabriK dans les Deux-Sèvres. Et partout comme ailleurs, des amis jalonneront ma route. Au programme : System of a Down, Coluche, Star Wars, Brice de Nice, Guillaume Canet en slip, Gainsbourg et Johnny Cash.


  • La Smalah est un collectif multiforme géré par l’association du même nom créée en 2013. Au départ, un magazine abordant des questionnements liés à l’innovation et la manière dont ça impacte nos modes de vie. Et puis finalement un tiers-lieu, basé dans les Landes et aujourd’hui construit autour de trois pôles. La Grange avec son café est l’espace de vie sociale où se déroulent les ateliers, les concerts et les spectacles. Le Hangar est l’espace de formation où des jeunes éloignés de l’emploi sont accueillis en formation longue comme en séjour de remobilisation. Enfin l’Atelier héberge des activités de création d’outils mais aussi de réflexion et de sensibilisation autour de l’économie circulaire. Hors les murs, l’association intervient aussi dans l’éducation aux médias et accompagne des projets de territoire dans le champ de l’Economie Sociale et Solidaire. Il règne une saine ambiance de travail à La Smalah et pourtant, on s’y sent un peu comme à la maison. Venez découvrir leurs témoignages (en cours de rédaction) !


  • La FabriK est un tiers-lieu situé dans le village de Château-Bourdin, à Saint-Pardoux-Soutiers, dans les deux Sèvres. Au départ, la compagnie Idéosphère recherche un lieu d’assemblage et de stockage de ses décors. Mais l’intérêt marqué des habitant les font rapidement évoluer en association – La FabriK – en 2018. Accompagné par la Coopérative des Tiers Lieux de Nouvelle Aquitaine, le collectif construit sur des bases saines son projet de développement et très vite, le marché des producteurs puis le bar associatif sont organisés. Depuis, de nouvelles activités ont été initiées telles que les ateliers partagés (bois, métal et couture notamment), l’organisation d’événements culturels, l’accueil de résidences d’artistes et le coworking. A la FabriK, on mélange les genres et les gens depuis le début et ça prend ! Encore une histoire très inspirante. Promis, je reviendrai et, cette fois, j’espère pouvoir animer en concert le marché du vendredi soir. Venez découvrir le témoignage de Claude (en cours de rédaction) !



Dernier jour dans les Pyrénées


« It’s a lonely day / And its’ mine / The most loneliest day of my life » (System of a Down)

Aujourd’hui, c’est mon dernier jour dans les Pyrénées. Je ne sais pas si c’est ce constat qui m’attriste mais je me lève avec le cafard. Et je me sens fatigué, tellement fatigué. Ce matin, Guilhem et Hélène sont sur le départ ; leurs premières vraies vacances avec le plus beau bébé du monde. Ils me laisseront fermer la maison quand je partirai dans la journée. Je me suis à peine installé pour travailler que le dindon fait son apparition à la fenêtre. Comme un chien de troupeau, je repousse Ludo vers son enclos ; enclos dont je ne doute pas qu’il s’échappera dans quelques minutes. Je me rassoie et fixe mon ordinateur. L’inspiration ne me vient pas. Des nuages noirs s’amoncellent autant dans le ciel du Val d’Azin que dans ma tête. En vérité, cela fait deux ou trois jours que je sens que mon humeur s’obscurcit. Aujourd’hui, je ne peux simplement pas l’ignorer, d’autant plus que je me retrouve seul. En tentant de sonder mon esprit, je me retrouve bloqué en plein brouillard. L’incertitude, le flou, l’absence de repères et la solitude, tout me tombe dessus en même temps. Plus j’avance dans mon exploration, moins j’y vois clair. Et, surtout, j’angoisse à l’idée de revenir à Dijon habiter seul entre quatre murs. Ça ne sert à rien de lutter, le temps est mauvais et le soleil ne se lèvera pas aujourd’hui. Mes affaires sont prêtes, je recharge le camion en eau et repousse une dernière fois Ludo dans son enclos.



Pouce en l’air


« J’attends quelqu’un » (Coluche)

La semaine dernière, j’ai pris huit personnes en stop ; huit femmes, voyageant la plupart du temps à deux. J’aime bien ces rencontres éphémères, ces moments de partage furtif ; même si, parfois, j’aimerais qu’ils durent plus longtemps. Dans mon imaginaire, j’invente des scénarios où, sur un coup de tête, mes passagers décident de poursuivre avec moi l’exploration des tiers-lieux. Mais non : - « Tu peux me déposer là, merci beaucoup ! ». De rien, c’était un plaisir. Je suis à peine parti de chez Guilhem que j’entrevois un pouce se lever. Je ne suis pas d’humeur ce matin et j’envisage d’abord de le dépasser. Puis, je me résigne. Ce ne me fera pas de mal. L’homme qui monte dans le van doit avoir un peu plus de soixante-dix ans. Il porte des lunettes et son beau chapeau cache des cheveux gris ondulés qu’il a attaché en queue de cheval. J’ai envie de l’appeler Jean, il a une tête à s’appeler Jean. Nous sommes le 15 août et mon compagnon de route se rend à la Procession à Lourdes. Au départ prudent, il semble se relâcher. C’est qu’il a vécu quelques expériences malencontreuses en stop et il se méfie. Jean m’apprend qu’il fait partie de la première cohorte des objecteurs de conscience ; des premiers hippies aussi. Militant dans l’âme, il passe en revue des sujets aussi variés les uns que les autres et j’avoue avoir un peu de mal à suivre. Non pas que ces propos manquent de cohérence mais Jean en a pas mal dans le ciboulot et je ne peux pas en dire autant en ce qui me concerne. Enfin, pas aujourd’hui en tout cas. Sa voix chantante chatouille mes oreilles. Au moment où je le dépose, il me laisse ces mots : - « Je vous encourage pour ce qui est vrai, pour retrouver la paix de l’âme ». Jean a-t-il perçu que mon âme était troublée ? Ses mots me réchauffent momentanément et je poursuis ma route vers les Landes.


La guerre des clones


Des routes tortueuses des Pyrénées, je passe aux longues et rectilignes artères des Landes. Les pins maritimes qui m’entourent me donnent l’impression d’une armée de clones. L’armée des planteurs, la plus grande « forêt » européenne. Ici et là, quelques chênes tauzins semblent autorisés à survivre en sous-bois. En attendant l’arrivée inéluctable de l’Eucalyptus ? Au fond de moi, j’espère que le secteur forestier saura résister à cette folie. Quand on voit à quel point les forêts du Portugal ont été transformées au profit de cette essence australienne, c’est flippant. J’ai repéré sur park4night un spot pour la nuit à proximité de Saint-Julien-en-Born où je suis attendu le lendemain matin. A partir de maintenant, je sais qu’il me sera de plus en plus difficile de trouver des endroits isolés pour passer la nuit. Le camping sauvage est très règlementé sur la côte Atlantique, notamment du fait du tourisme de masse et du succès grandissant des voyages en vans aménagés. En bord de route, la grande clairière est déjà occupée. Deux jeunes filles sont attablées à côté d’un énorme 4x4 ; toutes leurs affaires sont sorties. J’installe le van à l’opposé et descend faire connaissance. C’est leur tout premier voyage en itinérance et mon expérience les rassure ; elles n’auront aucun mal à trouver des spots dans les Pyrénées qu’elles rejoindront le lendemain. Elles sont toutes mimis avec leurs gamelles Décathlon toutes neuves. Plus tard, la pluie fait son apparition et je me résigne à me réfugier dans la cabine pour déguster mon omelette aux pommes de terre. La journée aura été globalement maussade ; vivement qu’elle se termine.



La Smalah


Quand je me réveille le lendemain matin, le temps est meilleur et j’ai retrouvé le sourire. Depuis hier, six autres vans se sont installés dans la clairière. Je n’ai absolument rien entendu de toute la nuit, preuve que je devais bien dormir. Le café servi, quelques rayons de soleil percent à travers l’épais bosquet à l’arrière du camion. Je profite de ce moment et me laisse réchauffer par le soleil encore rasant. Pour autant, il ne faut pas que je traine ; j’ai rendez-vous à 8h30 avec Ludovic au Hangar de la Smalah, l’un des trois espaces de l’association qui m’accueille jusque demain. Le bâtiment, en grande partie construit en pin des Landes, est situé dans une toute zone nouvellement aménagée que je rejoins en moins de dix minutes. Ludovic me fait entrer dans une grande pièce qui constitue le foyer du Hangar. De retour de vacances, il a malheureusement peu de temps à me consacrer ce matin. Pourtant, en l’espace d’un café, j’ai déjà la tête pleine d’informations. Ludovic me laisse un papier sur lequel il a noté les noms et les numéros de téléphone de toutes les personnes de la Smalah qu’il pourrait être intéressant que je rencontre. Et elles sont nombreuses… En un jour et demi, j’aurais interrogé six personnes qui m’auront chacune consacré au moins une heure de leur temps.


« RIBS, RIBS, RIBS » (camarade Titou)

Je commence par Anne et Laura puis Paco au café associatif du centre-bourg, ouvert en juillet de cette année. Fâché avec l’école, Paco est passé par pas mal de petits boulots. Alors qu’il caressait un jour l’idée de « faire de l’oseille », il a décidé d’intégrer à La Smalah une formation de six mois pour devenir médiateur numérique. Depuis, sa perception a complètement changé et il évoque avec passion son parcours atypique et ses missions à l’association ; un poste sur-mesure et une ambiance de travail qu’il kiffe pas mal. De retour au Hangar, je suis invité à assister un déjeuner de travail. Autour de saucisses et de ribs grillés au barbecue, l’échange est néanmoins professionnel. Comme je ne maitrise pas le sujet du jour – une opportunité d’extension des activités de la Smalah –, je tends l’oreille et m’imprègne de l’ambiance de travail. Vers 15h, Benjamin me propose de le suivre jusqu’à l’Atelier, installé en janvier 2020 dans le Grenier de Mezos, une énorme recyclerie. C’est ici notamment que l’association a fabriqué mille visières pendant le plus gros de la crise sanitaire. Benjamin a, lui aussi, créé son poste. Si des financements sont obtenus, il devrait, à court-terme, démarrer une thèse portant sur l’auto-construction d’outils comme vecteur de la territorialisation de l’agriculture. J’aime les projets qui mêlent la tête et les mains ; un peu comme au Relais Montagnard.



L’appel de l’océan


Le lendemain matin, je me rends directement au café. Alors que Paco prépare son atelier, je mets mes notes en forme et tente d’identifier les informations qui me manquent. Déjà six pages… Il faut dire que la veille, en début de soirée, j’ai eu l’opportunité d’interviewer Vincent, l’un des fondateurs. En réalité, j’ai quasiment tout ce qu’il me faut, en dehors des aspects strictement budgétaires. Et les sous, c’est justement l’affaire d’Alban qui me rejoint au café. Lassé du privé et du business dans lequel il baignait à Bruxelles et guidé par l’attrait de l’océan, il est arrivé un peu par hasard à La Smalah. Aujourd’hui, il s’épanouit pleinement aussi bien lorsqu’il accompagne des projets de territoire que quand il a la tête dans ses tableaux Excel. Je resterais bien discuter encore avec Alban, d’autant plus que nous avons, à peu près, le même profil. Mais Ludo m’attend au Hangar pour ma dernière interview. Comme pour les autres, je le questionne sur ses motivations initiales à rejoindre le projet. Comme pour les autres, j’aurais une belle histoire à raconter. Alors que je me dirige vers Contis-Plage pour manger en bord de mer, je m’aperçois à quel point je suis vidé. Et les trois prochains jours ne seront pas nécessairement reposants : j’ai de vieux amis au menu.



Pneu crevé


« Destinée / On était tous les deux destinés » (Guy Marchand)

La route qui me mène au Cap-Ferret longe l’Atlantique, sans que je puisse néanmoins l’apercevoir. Mon GPS me fait prendre des pistes un peu cabossées mais toujours aussi rectilignes. La tentation d’accélérer est forte pour atténuer les soubresauts du van. Mais chaque voiture arrivant en sens inverse m’oblige à ralentir et à me déporter sur le côté. A la sortie d’un des rares virages de la région, je dépasse une Twingo garée en bord de route. Accroupie à côté de sa voiture, une jeune femme semble avoir un problème de crevaison. Le temps que j’analyse la situation, je suis déjà un peu loin et je ne vois pas d’endroits où faire demi-tour. Ça cogite dans ma tête. Si ça se trouve, nous étions faits pour nous rencontrer. Et ce serait une chouette histoire à raconter à nos petits-enfants. Ni une ni deux, je décide de forcer le destin et fais faire une volte-face au camion. Arrivée à son niveau, je baisse ma vitre. Avant de la sonder sur son envie d’avoir des enfants, je lui propose mon aide. J’ai une belle boite à outils toute neuve sous mon siège et je ne vois pas meilleur contexte pour la déballer. – « Non merci, j’ai quasiment fini. Sympa d’avoir fait demi-tour en tout cas ! ». De rien, c’est normal. Il faut vraiment que j’arrête avec ces scénarios à la con.


Adrien, Kelly Slater et Guillaume Canet en slip


« C’est une vraie dent de requin faite en résine » (Brice de Nice)

A une dizaine de kilomètres du Cap-Ferret, les bouchons commencent à se former. Comme chaque journée d’été, le Bassin d’Arcachon est entouré de files immobiles de voitures pleine de touristes. Là encore, je passe d’un extrême à l’autre. Me voilà immergé dans le milieu des chemises Ralph Lauren, des pulls sur les épaules et des chaussures bateau. J’ai plus de chance de tomber sur Guillaume Canet ou sur des chroniqueurs de Quotidien que sur une conductrice de Twingo en détresse. Mais comme dit Adrien que je viens de rejoindre : - « Une fois qu’on est tous en slip, on est tous pareils ». A la plage du Truc Vert que nous avons rejoint, je me rends compte que nous sommes les seuls à ne pas marcher avec une planche sous le bras. Ça me fait le même effet que lorsque j’attends le bus et que je n’ai pas de clopes sur moi. On ne sait pas quoi faire de ses mains et on se sent un peu con. Heureusement, Adrien a réussi à m’intégrer au cours de surf qui démarre dans une demi-heure. Ma combinaison intégrale a beau être humide et froide, je me sens néanmoins beaucoup mieux ; je fais partie du gang. Question planche, j’évite de trop me la raconter. A l’inverse de certaines compétitions masculines, avoir la plus grosse est tout sauf cool. Or, en me dirigeant vers la mer, j’ai l’impression de me trimballer avec un gros paddle bleu en mousse. Un peu au fond de moi, je me dis que Kelly Slater a dû aussi passer par là et d’une certaine manière, ça me rassure.



Les Maures en feu


La dernière fois que j’ai eu l’occasion de faire du surf, c’était en Australie il y a 15 ans, sur la plage de Bondy Beach, près de Sydney. Après ma deuxième session tôt ce matin, je suis rincé. Je ne sens plus mes bras. Ça aussi Kelly a dû le ressentir j’imagine. Chez Adrien, je retrouve mon portable et déroule machinalement les informations triées par Google News. Dans le Var, la Réserve Naturelle des Maures dévastée par un feu de forêt. L’effroi. La Réserve Naturelle Nationale de la Plaine des Maures est un petit joyau méditerranéen. C’est aussi un sanctuaire pour la Tortue d’Hermann. En voie d’extinction en France, on ne la trouve notamment que dans le Var et en Corse. Immédiatement, j’ai une pensée pour l’équipe de la réserve et en particulier mon ami Dominique, le responsable scientifique. Il y a quelques années, dans le cadre du groupe de travail dédié aux syrphes – des mouches déguisées en guêpe –, nous avions eu la chance de visiter une partie de la réserve. Je n’ose imaginer ce à quoi les paysages doivent ressembler aujourd’hui. Moi qui pensais il y a encore quelques années que les mégafeux n’étaient pas un enjeu en France, il faut se rendre à l’évidence. Aucun territoire ne sera épargné par le changement climatique ; le dernier rapport du GIEC est particulièrement éloquent à ce sujet.


Aurore et les effets de bordure


C’est avec ce triste constat que je fais maintenant route vers Lacanau. J’y retrouve Aurore et sa petite famille. Comme pour Adrien, Manue et leurs deux enfants, ce sera une visite expresse. Mais c’est mieux que de ne pas les voir du tout. Tous deux sont de vieux amis que je n’ai pas l’occasion de voir souvent. D’ailleurs, je trouve amusant de voir comment nos trajectoires nous ont emmené sur des chemins parfois complètement différents. Que ce soit au sujet du travail, des croyances ou simplement de notre façon de vivre, nos divergences sont de temps à autre loin d’être anodines. Mais notre amitié passe au-dessus de tout ça, largement. Et mieux, cela nous oblige à nous questionner et remettre en perspective nos choix et nos pensées. De façon générale, ce qu’on appelle les effets de bordure sont d’une richesse absolue ; j’ai toujours aimé et aimerais toujours échanger avec quelqu’un qui ne pense pas comme moi. La soirée est belle ; je suis bien à discuter avec ma copine. Plus tard, couché dans la cabine de mon van, je laisse mon esprit vagabonder. Si je suis indubitablement attiré par la vie de famille que mènent Adrien et Aurore, leur train de vie à grande vitesse n’est par contre pas pour moi. Mais alors, comment concilier les deux ? Comment ralentir ? Au réveil, j’ai le souvenir de rêves où se mêlent Guillaume Canet en slip, Kelly Slater en Twingo et les Maures en feu. Il est temps que j’émerge.


Rêveur poète et pâtes aux girolles


« Fly me to the moon / Let me play among the stars » (Franck Sinatra)

Depuis mon arrivée dans les Landes, c’est la course. Chaque étape est séparée d’au moins une centaine de kilomètres et m’oblige à remonter l’Atlantique à une vitesse folle. Nous sommes jeudi et je suis déjà au nord de l’Estuaire de la Gironde, à proximité de Talmont. J’avais visité cette cité fortifiée aux falaises troglodytiques il y a quelques années déjà et j’en garde un excellent souvenir. L’application park4night m’indique un spot avec une vue apparemment époustouflante sur l’estuaire et les carrelets, ces cabanes sur pilotis destinées à la pêche… au carrelet. Au bout de la piste néanmoins, trois vans sont déjà entassés sur le promontoire. La vue est effectivement splendide. Demi-tour. J’ai repéré un petit chemin en amont. Au bout de quelques centaines de mètres, une grande barrière barre la route. Je suis fatigué, je n’ai plus envie d’aller plus loin et décide de m’installer entre deux lignes de vignes. Perché sur le toit du van avec ma bière, mes pistaches et mon ordinateur, j’arrive au loin à voir l’estuaire. Au moment d’aller me coucher, je lève les yeux une dernière fois vers le ciel et observe la lune, quasiment pleine, émerger des nuages. Comme subjugué par sa luminosité grandissante, je reste sans bouger. Je me plais à l’imaginer levant, comme moi, la tête vers l’astre lumineux ; un lien autant indicible qu’imaginaire. Au loin, un chien qui aboie me tire de mon émerveillement. En rentrant dans la cabine, je marche malencontreusement sur le tupperware où je venais de ranger le reste de mes pâtes aux girolles. J’éclate de rire ; fini de rêver !



Dunes blanches et blanches fesses


« J’ai attrapé un coup de soleil / Un coup d’amour, un coup d’je t’aime » (Richard Cocciante)

Au petit matin, je suis d’humeur studieuse. J’ai pris beaucoup de retard dans la rédaction de mes articles et j’ais intérêt à m’y mettre sérieusement si je ne veux pas décrocher. J’aime bien travailler dans mon van ; je me suis trouvé une position pas mal confortable, calé dans le fond de ma banquette, l’ordinateur sur mes genoux. La météo est enfin clémente et vers 13h, je commence littéralement à fondre. Je décide de rejoindre la Côte Sauvage, entre La Palmyre et la Tremblade. Sauvage, le littoral ne n’est pas du tout à cette saison ; les parkings débordent et les bords de route sont dessinés par des files de voiture garées sur des kilomètres. Impossible de garer le camion et de toute façon, je n’ai pas du tout envie de me mêler à la foule. Lorsqu’il ne reste que quelques voitures parquées, je m’arrête, traverse la route et suis un long sentier à travers la forêt dunaire. Au bout de vingt minutes à marcher dans le sable, la dune blanche se dresse devant moi ; encore quelques efforts. Parvenu en haut, j’observe que la plage n’est parsemée que de quelques serviettes. Par contre, aucun maillot à l’horizon ; je suis sur une plage naturiste. Ça n’est pas pour me déranger. Au bord de l’eau, je me débarrasse de tout ce que j’ai de tissu et plonge dans les vagues bouillonnantes de l’Atlantique. Se baigner à poil reste un plaisir incroyable ; se dorer la pilule, nu comme un vers, un peu moins. Je m’en sortirai avec un beau coup de soleil sur la fesse gauche.



La FabriK


Le lendemain, je rejoins les Deux-Sèvres, aux environs de Parthenay, au nord du Marais Poitevin. Mon coup de soleil de la veille, bien qu’il semble s’atténuer, m’aura fait un peu souffrir sur la route. J’ai rendez-vous à 14h avec Claude à La FabriK, ma dernière étape avant une semaine de vacances en famille. Comme beaucoup de lieux que j’ai visité ou que j’ai prévu de visiter, La FabriK a décidé de fermer son bar. Pas question de trier les gens à l’entrée. Les concerts ou les spectacles ont également en grande partie été annulés. Alors que j’avais prévu de jouer ici et là, tout est tombé à l’eau. Je suis néanmoins reconnaissant car tous ont maintenu les rendez-vous que je leur avais proposé. Claude m’accueille devant un grand hangar ouvert. Au fond, le bar et quelques mange-debout donnent une idée de l’animation qui habituellement fait vibrer le lieu. Au départ, la Compagnie Idéopshère recherche un local pour stocker et assembler ses éléments de décor. Devant l’engouement d’une partie des habitants, une association – La FabriK – est créée pour faire vivre le lieu.



« J’fais des trous, des p’tits trous, encore des p’tits trous » (Serge Gainsbourg)

Dans le reste de l’ancien bâtiment industriel, des pièces sont dédiées à diverses activités : atelier bois, métal, couture, espace de stockage et d’assemblage, de résidence, bureaux, etc. De récents travaux témoignent de la dynamique des Fabrigands, installés ici depuis 2017. Dans l’atelier couture, à l’étage, Claude me présente Aurélie. Avec son compagnon Pierrot, ils font partie des quelques résidents qui ont rapatriés leur activité – Loca Yourte – au sein de La FabriK. Escamoté dans sa fosse, Aurélie est souriante. Claude, de son côté, est intarissable. Je profite de leur bienveillance et de leur gentillesse pour leur poser mille questions. Car non seulement l’aventure est inspirante mais leur modèle économique est aussi très proche de ce que j’avais en tête. Au moment de partir, Claude me remercie chaleureusement pour ma visite. L’intérêt que je porte à leur projet est un gage de leur réussite. Peut-être, un jour, remercierais-je aussi les personnes qui viendront visiter le lieu que j’aurais contribué à faire émerger.



Sèvre Nantaise


« I’m just a poor wayfaring stranger / Traveling through this world below » (Johnny Cash)

Avant de rejoindre ma famille au Croisic, je décide de faire une halte un peu avant Nantes, aux environs de Clisson. Le spot où j’arrive est conforme à la description et aux commentaires lus sur park4night. La Sèvre Nantaise coule paisiblement à quelques pas de l’endroit où j’ai arrêté le van. Je profite d’une dernière soirée avec moi-même. La bande originale d’Alabama Monroe résonne dans la clairière pendant que je prépare à manger. Il y a encore quelques semaines, ces sons auraient pu m’arracher quelques larmes ; mais au-dessus de moi et dans ma tête, le ciel se dégage. Il fera beau demain et Dijon est encore loin.



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