Je n'ai pas une minute à moi depuis mon départ ! Et loin de moi l'idée de m'en plaindre d'ailleurs. Voici donc un condensé des deux premiers jours : départ sous la pluie, Bob Dylan, barnum 24MX, pistaches, piscine et bobs Cochonou sont au programme !
Rue déserte, dernière cigarette, plus rien ne bouge.
"The answer my friend is blowin' in the wind"
Le van est chargé, je suis au volant et m’apprête à démarrer. Le temps est gris depuis quelques jours, la pluie dégouline sur le pare-brise et un peu sur mes joues. Je sais que je vais vivre des mois vraiment chouettes mais j’ai le cœur un peu lourd. Un peu comme si je quittais ma ville, mon appartement et mes amis à contre-cœur. Ce qui n’est pourtant pas le cas car j’ai choisi de vivre cette expérience, j’en ai rêvé depuis plus d’un an et je suis bien préparé. Les larmes coulent un peu mais sèchent dès la sortie de la ville. Le temps s’éclaircit, il fait soudain plus jour. Sur les conseils d’un ami, je passe le podcast de l’émission de Michka Assayas sur France Inter : Very Good Trip avec Bob Dylan à l’honneur. Mon idole est floquée sur mon t-shirt porte-bonheur, je fredonne « Blowin’ in the wind », tout va bien se passer !
Une ancienne école pour un futur tiers-lieu
"Tu viens boire un Bibolo ?"
J’ai rendez-vous à Pélussin, dans le département de la Loire, sur le massif du Pilat, où je n’ai d’ailleurs jamais mis les pieds. Je ne prends pas l’autoroute, c’est chiant l’autoroute et c’est cher. Et puis j’ai le temps. Là-bas, la commune organise des journées de résidence participative autour de la réhabilitation d’une ancienne école en tiers-lieu. J’arrive au deuxième jour de l’événement, le dimanche vers 17h. Vu l’heure tardive, je ne m’attends pas à trouver grand-monde (au-delà du collectif Le Roadtrip des tiers-lieux que je suis venu rencontrer). Quelle ne fut pas ma surprise (j’ai toujours rêvé de placer ça quelque part) quand j’ai découvert que de nombreuses personnes déambulaient encore autour des stands organisés par la commune et la Crefad Loire. Il y a des expositions sur l’histoire du lieu, un atelier bricolage, des murs d’expression, le stand du Roadtrip des tiers-lieux, etc. Je suis rassuré, on trouve aussi une buvette où l’on peut déguster gratuitement une boisson non-alcoolisée aux intonations africaines, le Bibolo. Intéressant.
Je parcours le mur d’expressions et découvre une bonne vingtaine de projets, plus ou moins détaillés, qui demain pourraient faire vivre le lieu. Ateliers indépendants, centre de loisirs, salle de spectacle, logements sociaux mais aussi une épicerie sociale et inclusive, un atelier de lutherie, un café-librairie, une auberge participative, etc. En filigrane, on ressent un besoin que ce futur espace devienne un lieu de vie intergénérationnel. Dans la gazette de l’événement, chaque journée est racontée, le ton est léger, la plume est agréable et le fond est travaillé. Une ressource essentielle pour valoriser la dynamique participative et les idées des participants. On y lit d’ailleurs qu’une sélection des projets sera opérée par un comité de pilotage, composé de 4 membres du conseil municipal et des 3 habitants tirés au sort (sic), et qu’un premier retour sera proposé le 16 juillet. Timing serré donc et une ou deux étapes probablement un peu grillées mais la dynamique est là et c’est l’essentiel.
Le Road-trip des tiers lieux : des gens trop forts
"Ils te restent des pistaches ?"
Sous un barnum 24MX qui pourrait abriter l’association locale du club de moto-cross, je retrouve Cécile, Vincent et Clara du Roadtrip des tiers-lieux. Je me rappelle très bien quand j’ai découvert leur initiative. Mon projet était écrit, j’avais commencé à organiser mon itinéraire et bim ! Je m’aperçois qu’il y a des personnes qui font exactement ce que je m’apprêtais à faire ! Et qui en plus, le font super bien : site internet chiadé, montages vidéo de compèt’, pages Instagram et Facebook régulièrement mises à jour… Ils mettent la barre haut. Un peu comme un premier niveau de limbo. J’avais hâte de les rencontrer ! Je reconnais Cécile et Vincent ; on se salue un peu timidement mais on sent que le courant va passer. Ils me présentent Clara qui a rejoint le collectif dès ses débuts et qui me fait faire le tour des ateliers qu’ils ont installé – et qui n’ont rien à voir avec la moto-cross : un exercice de photolangage pour amener les participants à imaginer ce qu’ils aimeraient voir dans le lieu, l’horloge du bénévolat pour se projeter sur le temps que pourraient consacrer les habitants au projet et un vidéo-maton où trois courts documentaires sur les tiers-lieux peuvent être visionnés. La parole se libère, les idées s’inventent et se précisent et quelques-uns passeront même le cap de remplir le mur d’expressions.
Vincent et Cécile ont déjà beaucoup voyagé. En Europe, notamment, à bord de leur van aménagé. A l’époque, ils avaient en tête de créer et de faire vivre une auberge de jeunesse. Et donc ils sont allés en Albanie (aucun lien, fils unique). Etrangement, il y a d’abord eu la barrière de la langue puis une forme de frustration à ne pas participer, en France, aux mouvements alors initiés par les gilets jaunes et le référendum d’initiative citoyenne (le RIC). Fraichement revenue en France et alors salariée d’une MJC, Cécile entend parler de tiers-lieu. Le couple s’informe, se gave de documentaires au moment du premier confinement et l’idée de roadtrip commence à germer. Mais Cécile et Vincent sont partageurs ; pas question de faire ça dans leur coin. Ils décident de former un collectif et partir à la rencontre des acteurs qui font vivre les lieux alternatifs de Rhône-Alpes, avec pour ligne de mire, l’émergence d’un tiers-lieu sur le territoire. Autour de deux weekends de rencontres, ils mobilisent 25 personnes puis l’heure du départ sonne. Ce sont près de 15 tiers-lieux qu’ils s’apprêtent à rencontrer en 3 semaines. Et cerise sur le gâteau, ils parviennent, sans peine, à convaincre des amis (le collectif TOCAJ) de réaliser un petit documentaire vidéo sur le thème des bifurcations (voir le teaser).
Rebelote, nous revoici reconfinés ! Le couple profite de ce moment de pause pour digérer l’activité de ces derniers mois et produisent des bilans, des synthèses et de belles infographies. Ils organisent même un live Facebook, c’est dire qu’ils sont forts ! En se creusant un peu les méninges, ils parviennent à imaginer un peu mieux le lieu de leurs rêves : une auberge participative, hébergeant des personnes en transition (comme moi par exemple), des espaces de télétravail (et des cours d’Albanais). Et leur angle évolue peu à peu : d’abord le territoire et ensuite le collectif ; et s’ils ont la possibilité de s’investir dans une dynamique existante, c’est très bien aussi. De tout façon, il va falloir que ça bouge d’ici la fin de l’année : Cécile arrive en fin de droit et il faut bien manger. Je ne doute pas une seconde qu’ils finiront par trouver leur créneau et j’ai hâte de les revoir : rendez-vous est pris à la Grange le weekend du 22-24 juillet !
To blog or not to blog ?
Je me rends compte de plus en plus qu’il sera probablement plus difficile que prévu de tenir ce journal de bord tous les jours. Avec Cécile, Clara et Vincent, le temps de l’apéro est aux échanges et quand vient le temps de se coucher, j’ai un peu trop bu pour écrire (et j’ai mangé trop de pistaches). Le lendemain, mon ami Tangi que j’ai rejoint dans la Drôme me propose d’aller me baigner alors même que je venais de sortir mon ordinateur. Ce matin, j’ai rejoint Aliénor et Greg de La Roue, à Chabeuil. Je profite d’un moment de calme pour écrire et j’ai déjà tant de choses à raconter… D’ailleurs, c’est peut-être trop long. Vous me direz si c’est trop long ? Dehors, le Tour de France fait chavirer les bobs Cochonou. Mais je suis bien à La Roue.
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