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HISTORIQUE

Au départ, le besoin de stocker du matériel et du décor pour la compagnie Nie Wiem qu’Anne-Laure, metteuse en scène et artiste, coordonne. Malgré un besoin de réhabilitation évident, le potentiel du bâtiment qu’elle visite à Châteauvillain va bien au-delà de ses espérances. Rejointe par une dizaine de personnes motivées, Anne-Laure commence à écrire le projet. La finalité : permettre aux gens de se réapproprier le lieu autour des thèmes manger, s’habiller et jouer. A l’été 2015, les premiers travaux sont engagés et des ateliers de création artistique sont organisés mêlant artistes et habitants. Des liens commencent à se créer. En 2017, d’importants travaux sont réalisés par la Communauté de Communes, en charge du bâtiment, qui permettent à Simone de lancer son activité.

BATIMENT

Le bâtiment est l’ancienne usine Le Chameau. Sortaient de l’usine des articles haut de gamme (bottes en caoutchouc notamment) destinés à la chasse, la pêche et les travaux agricoles. L’usine était un gros employeur. Dans le coin, tout le monde connaissait quelqu’un qui y travaillait. Après la fermeture, la Communauté de Communes rachète le site pour qu’il ne tombe pas en ruine. Pour en avoir l’usufruit, l’association paye un loyer relativement modéré.

SERVICES ET USAGES

Le lieu propose plusieurs services et usages :

  • Cantine

  • Café

  • Epicerie

  • Ateliers artistiques pour petites et grands

  • Ateliers de yoga, méditation, tricot ou cuisine

  • Dépôt de paniers bio

  • Viande directe de légumes bio

  • Vide-dressing

  • Permanence numérique

  • Livrothèque

  • Résidences, sorties de résidence (toujours pluridisciplinaire)

  • Evènements culturels

  • Antenne de la Coopérative d’Activités et d’Emploi Set-Up, basée à Reims

GOUVERNANCE

2019, le lieu était coordonné à la fois par la Compagnie Nie Wiem mais aussi par une association constituée par les habitants du village. Créée en 2019, Simone est une association de Loi 1901. On distingue plusieurs types de membres : les membres fondateurs (environ 15 personnes), noyau dur du fonctionnement du lieu, membres amis (une quarantaine de personnes) et adhérents au café associatif (environ 200 personnes). Le Conseil d’Administration est composé de 11 personnes et les décisions sont prises à la majorité.

MOYENS

L’association emploie deux salariées, à mi-temps. Anne-Laure, directrice artistique et Margot, chargée de l’administration et de la gestion du budget, principalement en télétravail. En réalité, Anne-Laure travaille à temps plein et dans l’idéal, il faudrait que l’équipe soit étoffée (passer les deux postes à temps plein, recruter un cuisinier pour proposer une offre de restauration quotidienne et embaucher un mi-temps pour l’encaissement). L’association fait également appel à des prestataires (gestion de l’informatique, permanence numérique, intermittents, graphistes…). Elle peut également compter sur une quinzaine de bénévoles actifs. Le budget annuel de l’association est estimé à 200 000 euros environ. Avant 2020, les ressources étaient partagées à part égale entre subventions publiques et recettes propres. Ces dernières proviennent principalement du café, de la cantine, de l’épicerie, du dépôt-vente, des ateliers, stages et pratiques artistiques. Avec les aides et considérant les mois de fermeture, le ratio est aujourd’hui plus de l’ordre de ¾ - ¼.

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SIMONE
21 septembre 2021

Simone est présentée comme un camp artistique, installé depuis 2015 dans l’ancienne usine Le Chameau, à Châteauvillain, en Haute-Marne. Au départ, le besoin de stocker matériel et décors de théâtre. Puis devant le bâtiment que propose la Communauté de communes, des étoiles dans les yeux. Un projet hybride est imaginé, mêlant les artistes et les habitants qui, très vite, s’approprient le projet. Au départ animé par une compagnie de théâtre (Nie Wiem), une association est constituée en 2017 à l’initiative des habitants. Le lieu incarne le métissage d’activités : café, cantine, épicerie, dépôts de paniers bio, vente directe, ateliers artistiques, vide-dressing, permanence numérique, résidences d’artistes, etc. Jamais à Simone on ne met les œufs dans le même panier et c’est ce qui fait sa force. Le collectif, principalement composé de femmes motivées et impliquées, est aussi lucide et droit dans ses bottes. Pas question de céder aux sirènes des financements publics si ça ne sert pas leur histoire et le territoire.

RENCONTRE AVEC... 

Anne-Laure, directrice artistique

Raconte-nous comment tout a démarré

 

Je coordonnais une compagnie de spectacles et recherchais un lieu pour entreposer du matériel et du décor. Jusque-là, j’avais déjà vu des choses mais beaucoup trop chères. Lorsqu’on m’a proposé de venir visiter l’ancienne usine Le Chameau, je suis venu ici un peu le nez au vent. Le Vice-Président de la Communauté de Communes, en charge du site, m’a fait visiter cette pièce, elle n’était ni chauffée, ni rénovée. Mais le prix était tout de même attractif (100 euros par mois). Là-dessus, il me montre d’autres espaces, notamment à l’étage où il m’indique qu’il y a la possibilité d’aménager des bureaux. Là, je me dis c’est dingue il y a un vrai truc à faire ici ! Et ça ne lui posait pas de problèmes que ça soit un projet artistique. J’ai rencontré les autres élus et puis j’ai commencé à monter un projet. Après l’impulsion, on s’est retrouvé à une dizaine et à l’été 2015, les premiers travaux d’aménagement ont démarré.

 

Et l’activité a démarré à ce moment-là ?

 

Oui, enfin c’était plus léger que maintenant mais ça a posé les fondations ce qu’est Simone aujourd'hui. On tenait aussi à montrer que nous n’étions pas des artistes enfermés dans leur tour d’ivoire. Par exemple, avec une compagnie brésilienne que j’avais fait venir ici pendant un mois et demi, nous avons monté avec les habitants un spectacle sur le thème de l’étranger. Beaucoup de liens ont été créés à cette période et ils perdurent toujours. Parce qu’on avait cramé toutes les subventions de la Compagnie, il a fallu ensuite trouver de nouveaux financements. On s’est retroussé les manches et, en récupérant des fringues ici et là, on a organisé un vide dressing. Et ça a bien marché. Lorsqu’on a suggéré à la Communauté de Communes que ça serait vraiment pas mal que le bâtiment soit chauffé, ils ont dit oui tout de suite et ont engagé les travaux. Pas loin de 45 000 euros quand même ! La confiance s’installait. On fait ce qu’on dit et on dit ce qu’on fait. Je pense que ça a été bien perçu de leur part et puis il faut dire qu’on leur apportait un projet « culture » sur un plateau. En 2017, de nouveaux travaux ont permis d’aménager les futurs appartements destinés aux artistes en résidences ainsi que la salle de pratique. On a véritablement commencé à lancer l’activité en 2018, à la fin des travaux.

 

Et tout commence à prendre forme…

 

Exactement. On a pris conscience qu’on remplissait la case tiers-lieu et donc, fin 2019, on décide de répondre à l’Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) Fabriques de Territoire. Et on l’a eu. Entre 2019 et 2020, et notamment grâce à l’AMI, on a véritablement basculé en termes de soutiens politiques et institutionnels. Nous avons eu un soutien du Pôle Economie Sociale et Solidaire, obtenu un prêt via France Active. Tout cela a aidé à ce que le monde de la culture fasse évoluer ses modalités de relations avec nous. Puis le Département a fini par soutenir et enfin la DRAC. Tout s’est enclenché en même temps.

 

Comment le projet Simone est-il perçu localement ?

 

On a tous le même problème. On est capable d’attirer des gens qui viennent de super loin et puis il y a des gens qui habitent à 300 mètres qui ne sont jamais venus. Je trouve ça curieux et en même temps très intéressant. Comme si on vivait dans des mondes parallèles.

 

Les femmes ont une grande importance à Simone…

 

Rien que le nom déjà. Pour nous, Simone représente les femmes qui ont travaillé dans cette usine. Mais même au-delà, le nom résonne avec toutes les femmes qui, dans ces territoires plutôt pauvres et éloignés des grands centres, ne bénéficiaient pas ou peu de systèmes de solidarité et de convivialité. Les hommes ont le foot et la chasse mais les femmes ? On a décidé de monter un projet de recherche et développement avec des artistes mais aussi avec des sociologues et notamment avec Benoit Coquard de l’INRAE de Dijon (lire Ceux qui restent - Faire sa vie dans les campagnes en déclin ndlr). Qu’est-ce qui se joue ? Quels sont les mécanismes ? De quoi on hérite ? Qu’est-ce qui nous structure ? Et surtout : qu’est-ce que l’association peut mettre en place de façon ajustée aux besoins des filles et des femmes ? Le projet a démarré début septembre avec une étudiante de l’ENS de Lyon. Réalisée sur l’ensemble du territoire du Parc national, l’étude a permis à l’étudiante de rencontrer une trentaine de jeunes femmes. Nous avons vraiment hâte de connaitre ses premiers constats.

 

Vous entretenez des liens avec d’autres réseaux ?

 

Je fais partie d’un réseau informel de compagnies artistiques. Ce sont principalement des amis. L’histoire des tiers-lieux de la Région Grand-Est est en train de se construire aussi. Même si j’avoue ne pas avoir autant de temps que je voudrais pour m’y impliquer, je trouve ça important. Depuis qu’on a eu l’AMI, on fait aussi partie du réseau des Fabriques de Territoire. On est souvent sollicités d’ailleurs ; ça doit être notre couleur un peu spéciale, rurale et culturelle !

 

Comment avez-vous vécu la crise sanitaire ?

 

Quand le confinement pur et dur a été installé, on a commencé par essayer les apéro Zoom. C’était plus triste qu’autre chose. Et puis on avait du mal à se connecter. Sans compter que ce n’est pas forcément le truc de tout le monde. Une belle chose qui a émergé, ce sont les chroniques que je rédigeais tous les lundis. L’idée c’était de montrer qu’on était toujours là et qu’on bossait toujours, même si c’était en sous-marin. Dossiers de financement, réflexions sur de nouvelles activités, sur ce qui continue à faire du sens aussi, tout simplement. Le boulot ne manquait pas. On avait hâte de revenir à Simone. On s’est retrouvé en mai dans le jardin pour débroussailler. La covid a renforcé les activités artistiques professionnelles.

 

Vous avez testé de nouvelles choses alors ?

 

On notamment testé des formats de résidence d’une journée autour d’un thème ou d’une pratique. Il y a eu des sets d’impro tous les mercredis entre mai et l’été, impulsé par une musicienne dans l’équipe. Et puis, il y a eu La Belle Nuit aussi. L’idée, c’était que des artistes et des habitants créent 7 performances en dix jours. Et chacune jouée dans 7 villages différents, à la même heure. Un truc hyper local où tu ne prends que ce qui a chez toi. Tu ne peux pas tout voir. Tu ne peux pas tout faire. Ça interroge la frustration et la relocalisation des choses aussi.

 

Puis vient octobre…

 

En octobre, on est rentré plus dans le dur. On avait un fonctionnement deux vitesses. La création artistique, les résidences, tout ça a continué.  Mais tout ce qui était convivialité, vie associative, pratiques amateurs pour adultes… tout ça a été arrêté. Et ça a a vachement impacté le moral des gens. Tout ce qu’on pouvait faire ensemble, c’était ranger et faire des travaux. Tout le terreau nourrissant n’existait plus et c’est toujours compliqué aujourd’hui de retrouver le dynamisme d’avant-crise. Les chroniques ont continué à assurer le lien. Au total, on en est à 64 numéros lus par une cinquantaine de personnes. Et les retours sont chouettes et nous incitent à continuer.

 

Mais vous n’avez jamais arrêté d’innover

 

On devait faire un festival autour des nouvelles formes de travail en mai. On l’a converti en festival de podcasts. C’était super. Ça a mobilisé des gens et ça nous a relancé. Au final, j’ai trouvé ça plus intéressant de faire ça qu’un festival classique. Ça nous a permis d’explorer plus de thèmes. Plus tard dans l’été, on a aussi organisé La Belle Balade. En partenariat avec Art in Nature et le Parc national, on a créé un parcours d’art à ciel ouvert de 3,7 km. Au total 5 collectifs en résidence ont construit des œuvres qui ont vocation à rester dans le Parc. En mars 2021, on a lancé la Cantine, en mode à emporter, puisqu’on ne pouvait pas ouvrir le lieu. Entre 25 et 40 repas ont été servis tous les jeudis. On a par contre plus de mal à avoir des inscriptions aux ateliers, ça rame un peu.

 

Quelle est ta vision des prochains mois ?

 

On a une vision super optimiste. Ça été super dur mais c’est arrivé un moment où on avait de l’argent. Et notre fonctionnement, hybride, a payé. Ne pas avoir tous ses œufs dans le même panier ! Aller à l’inverse de l’hyperspécialisation ! Et on n’a jamais rien lâché non plus. Quand ce n’était pas possible, Simone développait autre chose qui devenait possible. Bien sûr, ça tient aussi parce qu’il y a de l’argent public. Mais on n’a pas à rougir car d’une certaine manière, on tient des rôles de services publics ! Les subventions ce n’est pas pour se faire se plaisir.

 

Au final, le covid, crise ou opportunité ?

 

Les deux. La crise a permis de vérifier que d’avoir des structures organiques comme ça, ça permet d’être plus souples, plus réactifs, plus libres d’imaginer des choses. Même si on rend évidemment des comptes aux institutions qui nous financent, on a aussi une grande liberté de choix dans ce qu’on propose, du moment qu’on a un bon bilan. On construit aussi beaucoup les projets avec les habitants. Ça demande du temps mais c’est vraiment la clé ; alors on prend le temps.

 

Les tiers-lieux : fragiles ou résilients ?

 

Par rapport au modèle global des lieux culturels artistiques, on s’en sort plutôt très très bien. Quand je parle à des artistes en résidence, ça leur fait une bouffée d’air de venir ici. C’est pas un théâtre vide, il y a de l’espace. C’est pas une boite noire, il y a de la vie autour. Il y a de plus en plus d’artistes qui ont envie de travailler autrement, de rencontrer le public autrement et ce type de lieu l’incarne.

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