HISTORIQUE
Au départ, une ferme familiale, assez importante pour l’époque. Jakez L’Haridon, alors âgé de 19 ans, récupère une partie des bâtiments partagés en indivision. Nous sommes à la fin des années 70. Et, au lieu de poursuivre l’activité familiale, Jakez décide de créer un café permettant d’accueillir des artistes locaux. Très vite, un modèle économique est réfléchi et en 1990, l’association Run ar Puñs est créée. Dans le même temps, le lieu se verra labellisée Scène de Musiques Actuelles. Pendant près de vingt ans, les deux entités juridiques – le café et l’association – coexisteront. Afin d’anticiper le départ à la retraite de Jakez, le café est rattaché à l’association en 2018.
BATIMENT
Run Ar Puñs est installé dans une ancienne ferme familiale, dans le quartier du même nom. Dans une partie des bâtiments sont aménagés un café, une salle de concert, un espace de résidence de travail, des bureaux, des loges et des ateliers de stockage. La cour accueille un marché bio le mercredi après-midi et parfois des concerts de manière ponctuelle. En 2017, la maison, la longère et les terres appartenant au frère de Jakez sont mises en vente. L’association se positionne alors et lance une importante campagne de financement participatif. Au total, 1 400 contributeurs permettront d’abonder de 176 000 euros un fonds de dotation – Vendero –, créé pour l’acquisition des terres et des bâtiments. Le collectif s’engage aujourd’hui dans la réalisation d’un véritable projet de hameau.
SERVICES ET USAGES
Le lieu propose plusieurs services et usages :
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Résidences artistiques
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Concerts
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Bar (licences 3 et 4)
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Marché bio
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Location de salles
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Actions culturelles vers les établissements et publics du territoire (scolaires, médico-sociaux, petite enfance, socio-culturels)
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Le projet de hameau prévoit de nouveaux usages tels que :
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Maraichage
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Restaurant slow-food
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Maison d’hébergement des artistes, en résidence ou en concert
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Salle de réunion, création, projections… au rdc de la maison
GOUVERNANCE
Run Ar Puñs est une association de Loi 1901 créée en 1990 et qui compte entre 160 et 280 adhérents selon les années. Elle est dotée d’un conseil d’administration de 15 membres. Le bureau est composé de 2 co-présidents, 2 co-trésoriers et 2 co-secrétaires. Avec le projet de hameau est créée une instance supplémentaire : la Grosse Vrillette. Cette dernière rassemble les salariés de l’association, les membres du Conseil d’Administration et les habitants du hameau. Aujourd’hui des questions se posent concernant le statut juridique qui permettra d’englober les nouveaux usages issus du projet de hameau, en particulier les activités de restauration et de maraichage. Le collectif réfléchi à cela et les statuts du collectif du hameau, permettant de faire co-exister les différentes entités (existantes et à venir) sont en cours de rédaction.
MOYENS
L’association emploie 8 salariés à temps plein et a employé 12 salariés cet été, pour les besoins de l’activité. Le collectif peut également compter sur une soixantaine de bénévoles impliqués. Du fait de l’ancienneté du lieu, trois générations de bénévoles s’y côtoient. Le budget annuel de l’association est estimé autour de 500 000 euros. A 70%, les recettes sont issues de subventions publiques (DRAC, Région, Département, Municipalité et Communauté de Communes). Les 30% de recettes propres sont partagées entre le bar et la location des salles.
Run ar Puñs
2 septembre 2021
Run Ar Puñs est une association basée à Châteaulin, dans le Finistère. Installée dans un ancien corps de ferme, l’histoire est ancienne. Quarante-trois ans que le lieu voit mûrir des artistes, quarante-trois ans que le café de Jakez, initiateur du lieu, rassemble les gens. Devenue une scène de musiques actuelles en 1990, la programmation est riche et la renommée de Run Ar Puñs s’étend bien au-delà de Châteaulin et du Finistère. Au centre de ses activités, les artistes en résidence sont choyés par un collectif compétent et impliqué. Nombreuses sont également les actions culturelles menées hors les murs. Que ce soit au travers d’ateliers, de concerts croisés dans les écoles, les collèges ou les lycées mais aussi dans les centres médico-sociaux, l’association se met au service du territoire et de ses habitants. En plus du marché bio ouvert tous les mercredis, le lieu devrait bientôt s’enrichir de nouvelles activités : restaurant slow-food, maraîchage, logements dédiés aux artistes, etc. Le tout dans un cadre bucolique qu’on quitte un peu à contre-cœur.
RENCONTRE AVEC...
Solenn et Annaïg, chargée des actions culturelles et coordinatrice du projet du Hameau
Run Ar Puñs au service des artistes et de la Culture ?
Oui, les artistes et la diffusion de leurs œuvres sont particulièrement au centre des activités de l’association. On accompagne les groupes de bout en bout, depuis l’identification du projet jusqu’à la diffusion, en passant parfois par de la co-production. Aussi, les artistes qui viennent en résidence à Run Ar Puñs sont systématiquement payés et l’espace leur est mis à libre disposition. Nous avons aussi mis en place un dispositif tremplin appelé 123 Run dédié aux groupes amateurs et émergents. Ça passe par un appel à candidatures que nous lançons généralement en octobre de chaque année. Les trois groupes lauréats se voient alors proposer un rendez-vous d’accompagnement, une journée de pré-production et une date sur scène payée. C’est d’ailleurs en général le premier concert du semestre janvier-juin. Nous intervenons également beaucoup hors-les-murs avec des actions culturelles ciblées, comme par exemple des concerts dans les établissements scolaires mais aussi médico-sociaux. Les projets sont co-construits et peuvent aborder tout type de thématiques : bruitage sonore, interview d’artistes, parcours culturel, ateliers d’écriture, de création musicale etc. Nous bénéficions de subventions publiques et nous répondons à de nombreux appels à projet tout au long de l’année, ce qui est parfois assez fastidieux. Nous considérons que nos activités constituent des missions de service public à part entière, au service des habitants et du territoire. Il faut reconnaître que sans ces appels à projets, nous ne pourrions pas proposer d’actions culturelles ciblées et aussi diversifiées.
Le projet de hameau constitue une nouvelle étape dans la dynamique du lieu !
Oui, c’est clairement un important tournant. La campagne de financement participatif a eu un retentissement bien au-delà de Châteaulin. L’historique est ancien et le lieu est assez connu, en particulier dans cette partie de la Bretagne. Il y avait un enjeu de sauvegarde de l’intégrité du lieu ; il aurait de toute façon été assez difficile de cohabiter avec des particuliers, ne serait-ce qu’avec les usages de la cour et de la terrasse. Maintenant que nous avons sécurisé le rachat des terres et des bâtiments, nous commençons à bien avancer dans la structuration du projet, en particulier grâce à Annaïg, recrutée spécifiquement pour sa coordination. Les chantiers ont d’ailleurs déjà démarré, notamment dans l’ancienne maison du frère de Jakez. L’idée est de la restaurer pour en faire des logements destinés aux artistes en résidence. 14 lits devraient être proposés, en chambres triples, double ou chambre simple. Au rez-de-chaussée nous disposerons d’une grande salle multiusage (salon, réunions, projections, créations, petits lives…). Une chaufferie à bois déchiqueté sera installée pour chauffer l’ensemble du hameau et, en parallèle, nous devrions engager des travaux d’isolation pour tous les bâtiments. Dans la longère sera aménagé un restaurant pour lequel nous sommes accompagnés par l’Université des Sciences et des Pratiques Gastronomiques, engagée dans une démarche Slow-Food et éco-responsable. Enfin, nous envisageons d’initier une activité de maraichage sur les 1,7 hectares de terre jouxtant la cour. Un gros projet qui pose notamment pas mal de questions sur les imbrications juridiques des différentes activités.
Comment avez-vous vécu la crise sanitaire ?
Lors du premier confinement, il n’y avait personne ici, à part les six habitants du hameau. Ce qui ne nous a pas empêchés de maintenir une activité « souterraine ». Des réunions d’équipe étaient organisées en visio chaque semaine, tout comme les réunions du CA. Nous avons aussi maintenu une importante communication externe avec une newsletter bi-hebdomadaire. On y trouvait des nouvelles du lieu, des recettes de cuisine, des photos d’archives, des playlists de l’équipe ou des bénévoles, etc. On voulait garder le moral et surtout ne rien lâcher. Et ça a super bien fonctionné ; nous n’avons jamais eu un pourcentage de mails ouverts aussi important ! Les actions culturelles ont progressivement repris avant l’été 2020. A partir de juin, nous avons organisé quelques concerts et réouvert le bar. Et puis deuxième confinement. Le bar a fermé mais les résidences ont été maintenues. Nous avons mobilisé des subventions pour rémunérer les artistes et les techniciens, en plus du fond d’activité pour les petites associations. Côté actions culturelles, dès l’automne 2020, comme nous ne pouvions pas accueillir de groupes à Run Ar Puñs, nous sommes allés partout où l’on pouvait : dans les écoles, les foyers des lycées, les salles des fêtes, les cours de collèges... L’activité a continué alors même que Run Ar Puñs était fermé. Ça nous a demandé beaucoup de boulot de reporter, réécrire, refaire les contrats mais on n’a jamais baissé les bras. Et puis le 19 mai, le bar a réouvert et les concerts ont repris le 9 juin jusqu’au 28 août. Nous avons ensuite fermé le bar pendant 15 jours le temps de décider de l’organisation de la rentrée, le passe sanitaire allant à l’encontre de nos principes.
Comment le collectif a-t-il été impacté ?
L’équipe est restée solidaire. Un tour de table des humeurs est organisé à chaque réunion d’équipe le jeudi permettant d’évaluer le moral des troupes. Il y a quand même eu de forts déséquilibres. Certains n’avaient quasiment plus d’activités (bar, studios d’enregistrement, programmation) alors que d’autres étaient à fond les ballons pour la rédaction de dossiers de subventions, l’administration, les actions culturelles. Les membres du CA ont aussi beaucoup travaillé sur la politique de l’association. Ils ont été très impliqués dans les choix de communication lors du premier confinement, notamment une affiche « Restons envie », qui illustre une abeille (notre visuel de la saison 2020) aux prises avec un pangolin et ils ont été très présents physiquement et moralement lors des deux étés de reprise après confinements.
Au final, le covid, crise ou opportunité ?
Un peu un mélange des deux. Ça a été un gros coup de massue au début. Mais très rapidement on s’est dit : « ok, comment on s’adapte ? ». On a d’abord eu un gros boulot de prises de nouvelles des artistes mais aussi des partenaires. Ça a aussi été une opportunité car on a pu tester d’autres choses et nous avons réussi à maintenir des résidences d’artistes en plein confinement. Les actions culturelles hors-les-murs ont aussi très bien marché, ça a été une vraie bouffée d’oxygène pour tous les publics, enfants, jeunes ou adultes. On oubliait presque qu’on avait des masques. Presque ! Maintenant, on a encore plus d’idées pour croiser les publics, pour sortir des sentiers battus. Travailler l’humain encore plus est notre crédo !
Les tiers-lieux : fragiles ou résilients ?
Un peu des deux. Le collectif est résilient, les gens qui font partie du collectif sont résilients. On a besoin de garder du lien, en innovant et en faisant ensemble. Ça nous a paru véritablement important de lutter contre la solitude, de maintenir du lien humain, mais aussi de renforcer les liens avec les partenaires.
Quelle est votre vision des prochains mois ?
L’épisode du passe sanitaire a montré que ces lieux sont aussi fragiles. Et puis ça divise les gens, ça créé un fossé entre ceux qui l’ont et ceux qui ne l’ont pas. On a peur que certains s’autocensurent. Je crains qu’on ait du mal à faire face à ça. Nous sommes dans un contexte accru de méfiance alors qu’on a besoin de retrouver de la confiance. Un vrai paradoxe !