Le Plateau 7
12-13 juillet 2021
Le Plateau 7 se définit comme un atelier et un laboratoire de fabrication de spectacles. Situé sur la commune de Montselgues, juché à environ 1000 m d'altitude dans les Cevennes ardéchoises, l'ancienne bergerie est un lieu d'accueil, de création, de diffusion où "l'artistique rencontre l'agricole", où on peut créer sans aucune restriction. L'accueil y est chaleureux et donne envie de poser ses bagages quelques jours. Une chose est certaine, il faut absolument découvrir ce lieu : la vue que l'on a sur les montagnes ardéchoises est parmi les plus belles qu'il m'ait été donné de voir.
HISTORIQUE
Née après le mouvement des intermittents en 2003, l’idée était de se réapproprier les moyens de production dans un lieu ouverts aux habitants et aux artistes. Un lieu alternatif qui même culture et agriculture.
BATIMENT
Acheté par Laurent et Béatrice en 2016 et en grande partie aménagé sur fonds propres, le bâtiment est une ancienne bergerie en bois, situé à 1 000 m d’altitude dans le pays des Vans. Non-isolé, il n’est pour le moment utilisé que de mai à octobre. A moyen-terme, il est envisagé d'accorder un bail emphytéotique à l'association pour l'usage d'une partie des bâtiments.
SERVICES ET USAGES
Le Plateau 7 propose plusieurs activités :
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Espace scénique
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Bar associatif
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Espaces de résidences
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Création et production de spectacles
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Hébergements temporaires
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Ethologie du cheval
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Permaculture
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Land art
GOUVERNANCE
Le Plateau 7 est une compagnie mais aussi une Association de Loi 1901 qui compte environ 100-120 adhérents et dont le Conseil d'Administration est composé de 8 membres. Un bureau de 3 personnes réunit des gens du village. Ni Laurent ni Béatrice ne font pas partie de la gouvernance de l’association.
MOYENS
L’association salarie principalement des intermittents ; en régie générale, création de lumière, artistes mais aussi des postes administratifs. Les personnes du village sont investies dans le lieu, notamment à l’occasion des chantiers. Le budget annuel de l'association se situe autour de 40 000 € (dont 20 000 € sont valorisés au titre du bénévolat et du matériel). Une partie des financements proviennent de subventions publiques (de la Mairie, de la Communauté de Communes ou du Département) mais aussi des adhésions, de la billetterie et du bar.
RENCONTRE AVEC...
Laurent et Béatrice - Fondateurs du Plateau 7
Comment est née cette idée de créer un lieu culturel ?
J’ai rencontré Béatrice, comédienne, à l’occasion du mouvement des intermittents en 2003. A l’époque, pas mal de gros festivals d’été avaient été annulés, dont le festival d’Avignon, une première historique depuis sa création en 1947. En cause, les nouvelles règles permettant d’accéder au régime d’assurance-chômage spécifique aux artistes et aux techniciens du spectacle. Nous ressentions ma femme et moi le besoin de se réapproprier les moyens de production culturelle et l’idée de faire émerger un lieu accueillant des artistes a commencé à émerger. Habitant un temps à Berlin, nous avions repéré un lieu génial mais nous n’avions pas les reins suffisamment solides ; sans compter les différences de législation entre la France et l’Allemagne ainsi que la barrière de la langue. Nous sommes donc rentrés à Paris.
Pourquoi l’Ardèche et Montselgues en particulier ?
Nous étions à peine rentrés à Paris que nous ne voulions déjà plus y habiter. Béatrice était enceinte et nous n’avions pas envie d’élever nos enfants dans les gaz des pots d’échappement. Nous sommes arrivés en Ardèche un peu par hasard et nous avons assez rapidement cherché soit un terrain pour faire construire soit du bâti à rénover. Nous étions d’ailleurs tombés sur la bergerie mais l’idée de vivre isolée dans la montagne effrayait un peu Béatrice et nous avons continué à chercher. Après deux ans et demi de recherche, il s’avérait que la bergerie de Montselgues était toujours en vente. La Mairie, emballée par le projet, nous a aidé à obtenir permis de construire et changement d’affectation. C’était il y a 5 ans et c’est désormais la 4ème saison que nous programmons. Depuis, nous avons récupéré des caravanes pour loger les bénévoles, les artistes, etc. Nous accueillons également des personnes en woofing.
Le Plateau, c’est donc un projet agricole aussi ?
Oui, nous voulions faire de cet endroit un lieu alternatif qui mélange culture et agriculture. Je me suis inscrit à la MSA (Mutuelle Sociale Agricole) et maintenant, en plus d’être metteur en scène, je suis aussi agriculteur. Nous avons pour le moment une douzaine d’hectares et aimerions en acquérir le double. L’objectif c’est d’être le plus possible autonome, avant d’envisager la vente de nos productions. Je suis également et depuis longtemps passionné des chevaux et nous en possédons actuellement trois dont deux sont issus d’une race ancienne, le Trait Poitevin Mulassier. Progressivement, je commence à me former à l’éthologie équine (une science du comportement qui étudie leur comportement) ainsi qu’à l’attelage.
Comment avez-vous vécu la situation sanitaire ?
Honnêtement, nous n’avons pas vu passer le premier confinement. A cette période (mars-mai), nous n’avons habituellement pas d’activités en dehors de la préparation de la saison. A partir de l’été, la situation devenait vraiment frustrante avec les nombreux messages, parfois contradictoires, du gouvernement. Un jour, on te dit que tu ne peux pas organiser de spectacles, le lendemain les concerts sont finalement autorisés. Nous avons ouvert mi-juin mais avons dû annuler quatre spectacles vers la fin de l’été, dont un concert de Kalune pour lequel nous attendions 400 personnes. Frustrant. Ce qui est aussi frustrant, c’est de constater qu’il n’y eu aucune sinon très peu de prise de conscience chez les gens qui se sont rués dans les Mc Do dès qu’ils en ont la possibilité. Lors du deuxième confinement, nous avons surtout consacré notre temps à la réhabilitation et à l’aménagement du bâtiment. Quelques stagiaires ont aussi été accueilli mais il n’y a eu aucune prestation culturelle.
Au final, vraie crise ou opportunité ?
La question n’est pas évidente. Je ferai une réponse de Normand : ni l’un ni l’autre. La crise a bien entendu occasionné un certain nombre d’annulation de spectacles mais elle a aussi permis de nouvelles rencontres et de repenser le lieu. Nous n’avons pas non plus observé de perte d’adhésion chez les bénévoles ou les simples adhérents.
Les tiers-lieux : fragiles ou résilients ?
Déjà, je n’aime pas le terme tiers-lieux. C’est une appellation générique dans laquelle tu peux mettre tout et n’importe quoi. Et puis ça fait penser à tiers-état ou tiers-monde et dans tous les cas, ça nous détermine comme étant « en dehors », ce qui n’est pas le cas. Mais pour revenir à ta question, je dirai résilients. Ces lieux m’apparaissent plutôt porteurs pour l’avenir mais ça dépend vraiment des lieux en vérité.
Quelle est ta vision des prochains mois ?
Cette année, la programmation est planifiée jusque fin août. Avec le variant indien et les possibles nouvelles restrictions, il nous est apparu trop risqué d’imaginer quoique ce soit après l’été. Pour être honnête, on a un peu le cul entre deux chaises vis-à-vis de la crise sanitaire. Soit on fait un lieu « dans les clous », soit on bascule côté punk mais la situation commence vraiment à nous peser. Et il faut dire qu’on observe de la part des Ardéchois une forme de résistance vis-à-vis de certaines restrictions. En tout cas, je n’ai aucune crainte sur le fait que la Culture continuera de vivre dans la région des Vans et même si ça doit passer par des prestations « pirates ».